Contenu
L'Original
Grand format
Inédit
Tout public
80 p. ; illustrations en couleur ; 29 x 22 cm
ISBN 978-2-203-08427-8
L'origine de la guerre
Papy Moynot, comme Emmanuel Moynot se surnomme dans son "Portrait de l'artiste en vieux con" en guise de préface à cet album, est assurément bien plus artiste que vieux con. Depuis quelques années, il a donné toutes les preuves de son amour pour le noir avec la reprise de la série dessinée "Nestor Burma", tout d'abord, puis avec une adaptation lumineuse de L'Homme qui assassinait sa vie, du regretté Jean Vautrin. Déjà, dans cette bande dessinée, il s'attachait à un héros déchu de bien mauvais aloi. Avec L'Original, il évoque un fait divers devenu sous son trait une fiction sombre et sanglante. "L'Original", c'est Roland Picot alias Laurent Perreux (et plein d'autres pseudonymes sur fond de Roland de Roncevaux), un homme qui a participé à la bataille de Souk Arhas en Algérie. Un ancien de l'OAS puis du SAC qui a transité par l'Argentine histoire d'exporter son savoir faire en guise de tactique militaire et de torture. Nous sommes au milieu des années 1990. Roland Picot a trente ans de plus et surtout il sait beaucoup trop de choses. Ce mercenaire a été chargé de doubler de jeunes militants gauchistes qui doivent dérober aux douanes des armes stockées en plein Paris. Le plan va se dérouler avec beaucoup d'accrocs, et Picot (trahi par Riton ; ce même Riton faisant affaire avec un commissaire pourri jusqu'aux os) va devoir fuir avec Audrey Pain, ultime survivante des militants précités. Direction le grand Sud et le repaire de Picot, Fort Picot, une villa blindée avec souterrain à la clé, mais qui est également une souricière dans laquelle vont s'introduire beaucoup trop d'individus. On trouve donc au milieu du dessin très reconnaissable d'Emmanuel Moynot de nombreuses références aux groupes politiques et terroristes français nés aux grands lendemains de la Seconde Guerre mondiale. Roland Picot est l'incarnation de ces mercenaires français (de souche donc racistes), qui s'offrent au plus offrant mais qui ont une morale qui leur est propre avec une certaine valeur de la notion de la parole donnée. Mais c'est aussi un personnage bien plus ambivalent avec ses fantômes qu'il ne veut pas admettre et sa sourde résignation devant les faits. Une sourde résignation qui ne l'empêchera cependant pas d'agir. Tout ceci dans des planches à la sombre bichromie dont certaines, alors que l'action est à son apogée, sont totalement muettes, ce qui est un réel plaisir des yeux. On aurait aimé un peu plus de clarté, des contours plus définis, mais l'auteur refuse toute lumière à cette cavalcade qui finira en bain de sang. Tout juste si on a à la fin le droit à un portrait d'Audrey Pain, digne des individus idéalistes et désenchantés croisés dans La Nuit des chats bottés, de Frédéric H. Fajardie. L'association de ces deux œuvres est tout sauf un hasard. Il en va ainsi du romantisme idéologique dont on veut aujourd'hui nous faire croire qu'il n'a plus de raison d'être. Non, assurément, Papy Moynot n'est pas un vieux con.
Citation
C'est pas tant l'histoire de Dieu? On s'en fout de Dieu. C'est de savoir où la nature t'a placé. Les maîtres ou les esclaves. Savoir où est ta place, savoir la garder, la défendre et défendre les tiens. Même quand les tiens sont des traitres et des ventres mous. Savoir qui tu es.