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Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Gabriella Zimmermann
Paris : Calmann-Lévy, février 2016
306 p. ; 22 x 14 cm
ISBN 978-2-7021-5717-6
Coll. "Suspense"
Entre deux eaux sales
Venise est une ville décrépie dont on ne voit que des immeubles vérolés et humides qui moisissent lentement. Tout y semble vétuste, noir et sale. Les gigantesques paquebots de croisière qui frôlent la ville font monter les eaux par leurs vagues incessantes. Et puis il y a l'incurie des pouvoirs publics - des exemples sont donnés dans le texte de gens ordinaires qui lorsqu'ils reçoivent un courrier de l'administration ne savent pas si l'argent réclamé correspond à une amende légale ou à une tentative de racket officieux. Mais dans Venise les vieilles familles patriciennes se meurent et les derniers membres s'entre-dévorent pour des (grosses) miettes des richesse de l'ancien temps. Afin de se "venger", des grands-parents offrent leurs biens ou les trésors familiaux aux bibliothèques et aux musées. De l'autre côté de l'échelle sociale, les petites gens comptent chaque centime. Malgré cette vision sombre, le commissaire Guido Brunetti tente de retrouver de la joie de vivre dans cette ville qu'il semble aimer. Entre deux petits plats mitonnés avec amour, il promène sa carcasse nonchalante entre les canaux. Après avoir visité différents corps de métier ou classes sociales dans d'autres épisodes de la saga qui lui est consacrée par la romancière américaine Donna Leon, il s'intéresse aux bibliothèques, aux incunables, aux livres d'art vénérable, aux antiquités paginées de la ville dans Brunetti entre les lignes. De quoi plonger encore plus entre les dorures des décors et les moisissures, les relents de vieux papier.
Tout commence avec la découverte par la signora Elettra, bibliothécaire de son état, de livres abîmés : des lecteurs indélicats découpent dans les vieux volumes des images et illustrations qui peuvent être encadrées et revendues assez cher. Les soupçons se portent sur un universitaire américain qui se révèle vite être autre chose, mais lorsqu'un autre amateur de vieux livres qui venait régulièrement lire, dans la même bibliothèque, les pères de l'Église est retrouvé mort, le mystère s'épaissit.
Brunetti entre les lignes est un roman mené avec calme par le commissaire et son équipe, au rythme des mouvements des eaux dans les canaux. Le roman est pigmenté de réflexions sur la fin d'un monde, d'une civilisation, d'une Venise comme métaphore d'un Occident épuisé. Brunetti se promène entre deux étagères, soupe, cherche à comprendre le marché des voleurs d'estampes, dîne, aligne quelques réflexions mélancoliques, trouve la solution d'une manière qui lui donne un goût d'amertume. À l'instar de la ville ou du temps pluvieux, peu de choses dépassent, rien n'éclaire ou n'illumine le lecteur, comme si ce même lecteur visionnait un vieil épisode de Maigret avec Jean Richard.
Citation
Son palais n'était pas sur le grand Canal, mais Brunetti était certain que sa mère n'y prêterait pas la moindre importance : c'était toujours un palais, et la femme qui avait offert la main à ses lèvres était toujours une comtesse.