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9 morts par quelques nuits d'hiver
Grand format
Inédit
Tout public
Dix petits Savoyards
Il y a au départ une comptine. Par la suite, elle servit de trame à un roman d'Agatha Christie qui fut adapté au cinéma en des versions plus ou moins réussies. Le principe en était simple : dix personnes coincées sur une île sont peu à peu tuées au rythme de la comptine. Selon les versions, il pouvait s'agir de dix petits nègres ou petits indiens car bien souvent les comptines sont interchangeables. Jean-Pierre Andrevon est plus habitué à Grenoble et aux montagnes des Alpes. Donc, il a dépaysé sa version du côté de Zermatt. Là-bas, sur un flanc de montagne difficilement accessible, l'homme d'affaires Richard Langlois vient d'acquérir un hôtel, ingénument dénommé Paradis. Il doit le rénover pour en faire un palace. En attendant, il y a donné rendez-vous à neuf amis de jeunesse. Quelques années plus tôt, ces neuf amis dans la fleur de l'âge ont fait un pacte : chacun a donné un peu d'argent, régulièrement, selon ses possibilités, à Richard Langlois, afin de le faire fructifier dans l'entreprise qu'il possédait avec sa femme - cette dernière est morte par la suite en haute montagne lors d'une escalade difficile. Il est temps à présent, pour Richard Langlois, de rendre avec intérêt, l'argent qui lui fut prêté. Il ne manque pas d'ailleurs de montrer à ses amis la mallette remplie de billets dans le coffre de l'hôtel. Tout le monde rêve donc de recevoir ses généreuses dividendes. C'est là bien sûr que tout se déglingue. Les amis voient Richard Langlois, sorti chercher la camionnette du groupe, se battre avec un inconnu puis être jeté dans un précipice. Puis, la nuit, des morts suspectes commencent à diminuer le nombre de participants (et par là-même augmenter la part des dividendes). Comble de malchance, une avalanche et un glissement de roche bloquent la seule issue routière de l'hôtel.
Jean-Pierre Andrevon est un artisan conscient de son travail qui sait faire monter avec soin la mayonnaise de la peur et du suspense : des ombres glissent dans les couloirs, le changement de point de vue laisse planer le doute sur les véritables coupables. Les relations des personnages entre eux lorsqu'ils étaient plus jeunes remontent à la surface, les événements se précipitent et Andrevon utilise l'hôtel bloqué par la neige, comme un lieu clos éprouvant, peut-être un hommage bien rendu et bien senti à Stephen King et son Shining, mais l'auteur sait bien qu'il n'y a pas besoin d'aller chercher des excuses surnaturelles aux malversations humaines. Cependant, là où les dix petits indigènes christiens étaient des coupables qu'il fallait châtier, Jean-Pierre Andrevon présente des personnages antipathiques, cherchant le bénéfice facile, parfois prêts à tuer pour voler leurs amis. Si l'on se doute un peu du réel assassin, toujours est-il que le métier d'Andrevon est sans faille et qu'il nous donne en plus un final désabusé et noir, ajoutant par des petits clins d'œil les passages obligés du genre : le téléphone qui ne fonctionne plus, la lumière qui se coupe soudainement, les visites dans les souterrains lugubres aux portes qui claquent... Au fil de son œuvre, on se demande comment cet homme n'a pas eu la reconnaissance qu'il mérite, ni même une flopée de ses livres (ou nouvelles) adaptées pour les écrans. Toujours est-il qu'il convient de lire 9 morts par quelques nuits d'hiver, un roman qui offre une relecture intéressante et un suspense monté à la force du poignet de son illustre aînée anglaise.
Citation
Avec autant de répugnance que s'il avait attrapé un serpent, il brandissait le fil du téléphone. Tranché net.