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Inédit
Tout public
Traduit du catalan (Espagne) par Marianne Millon
Paris : Asphalte, octobre 2016
312 p. ; 20 x 15 cm
ISBN 978-2-918767-64-0
Coll. "Fictions"
Coups de Trafalgar
Après l'excellent Cinacittà, de Tommaso Pincio, roman dans lequel le lecteur et le narrateur criminel évoluaient dans une ville romaine entièrement sous la coupe des Chinois, les éditions Asphalte nous emmènent à Barcelone avec le nom moins excellent Société noire, d'Andreu Martín. Si les Chinois n'ont pas fait ouvertement main basse sur la capitale catalane, il n'en demeure pas moins que l'inspecteur Diego Cañas est persuadé que les Triades règnent en sous-main. Confronté à l'inertie de sa hiérarchie, il ourdit un plan qui va lui glisser des mains, et se terminer en bain de sang avec têtes coupées à la clé. En effet, Liang, son indic aux origines sino-espagnoles, est chargé d'infiltrer la boutique de vêtements de Soong Xiao Chew sise rue Trafalgar. Lui est passé maître du hsing yi chuan, et force est de constater qu'il va avoir besoin de toutes les techniques et approches de cet art martial pour se sortir du bourbier. Outre que la boutique est une banque chinoise, son propriétaire est le père de Pei Lan, dont il va tomber amoureux. Cependant, avec deux acolytes, Liang va braquer la banque et se retrouver avec une horde de Chinois revanchards aux basques. Et puis surtout avec deux mareros salvadoriens, deux tueurs chevronnés mais un peu trop sûrs de leur impunité qui fricotent avec les maras du Salvador et du Mexique, avec le cartel du Sinaloa. L'opération Jackie Chan est lancée avec pour objectif de cerner la Hei She Hui, la "Société Noire", autrement dit les triades. Mais il y a au milieu de tout ça, Briviescas, l'avocat marron, et Lorena, l'adolescente rebelle de quinze ans de l'inspecteur Diego Cañas, qui fugue et se fait violer. Pour Cañas, la violence est dans la ville et dans sa famille aussi n'hésitera-t-il pas à plonger en plein dedans tête baissée.
Cette histoire sans mains ni têtes au scénario cependant bien ficelé est narrée de façon déstructurée en des chapitres courts dont l'action se déroule avant ou après le braquage, c'est selon. On assiste ainsi impuissants à un fiasco annoncé dès les premières pages. C'est joliment fait, c'est encore plus joliment écrit. Andreu Martín assoit son univers, et son style romanesque l'épaule. L'homme aime Barcelone et cela se sent. On déambule dans des quartiers populaires, on croise les parents défaits de nos protagonistes qui ont le mérite d'agir. On baigne dans les odeurs et les bruits, on plonge dans les égouts comme on sortirait d'un Barcelone underground couvert de boue pour mieux prolonger les ébats dans un cachot sado-maso. Enfin, on referme l'ouvrage avec un sentiment ambivalent (au sens freudien du terme), voire ambigu, et l'on se dit que l'on a passé un très bon moment teinté d'une noirceur sordide et étonnement jouissive. Et puis on a appris une chose : les triades n'existent pas, mais il ne faut surtout pas chercher à contrecarrer leurs plans.
Citation
Les hommes écoutent généralement avec beaucoup plus d'attention quand on leur parle en leur serrant les couilles.