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Les Démoniaques
Grand format
Inédit
Tout public
392 p. ; 22 x 14 cm
ISBN 979-10-91447-47-8
Coll. "Ring noir"
Cauchemar chez les ploucs
Lorsque Pierre Boileau et Thomas Narcejac publièrent Les Diaboliques, et plus encore avec l'adaptation cinématographique qu'en fit Henri-Georges Clouzot, ils s'attendaient à un succès d'estime, pas forcément à un scandale. Pourtant livre et film firent leur petite sensation. L'intrigue se situait dans une grande ville, entre gens de bonne compagnie, avec une sorte d'adultère mondain, où c'était comme un jeu de l'esprit de vouloir se débarrasser de son conjoint.
Mattias Köping signe avec son roman un titre qui pourrait faire écho à cet illustre devancier, mais il change radicalement les données. S'il y a bien un professeur dans cet ouvrage, c'est avant tout un être paumé, reclus, en pleine dépression depuis la disparition de sa fille, et qui traîne entre ses livres et ses bouteilles, au fin fond de la campagne, lorsqu'une jeune fille délurée vient perturber son ordinaire. Perturbée, la jeune fille l'est fortement, mais elle a ses raisons. La scène inaugurale des Diaboliques, qui est également sous forme filmée le trailer du livre (visible sur le site des éditions Ring) donne le ton : pour ses quinze ans, son père lui offre le rôle principal dans une tournante, qui n'est peut-être d'ailleurs pas la première du genre. Nous sommes à la campagne, dans la nature normande. Les personnages sont rustres et frustres comme le sont parfois ceux de Pierre Pelot. Mais ce sont ici des monstres égoïstes, poursuivant leur soif de plaisirs simples sans s'occuper de leurs partenaires. Le personnage central, surnommé L'Ours, s'occupe de prostituées, de trafics de drogue, de partouzes pour les notables locaux qu'il tient ainsi sous sa coupe. De gigantesques parties de chasse deviennent alors les prémices de bacchanales filmées qui servent à maintenir une pression éventuelle sur les connaissances qu'elles soient juges, policiers, notables, voire directeurs de services sociaux. Ce même Ours est en relation avec un ancien militaire français qui s'est enrichi en Yougoslavie et s'y est lié avec la mafia albanaise. Dans cette campagne que l'on dit éloignée de la criminalité, les choses apparaissent moins clairement car le territoire est quadrillé par les locaux : pas besoin que la violence éclate pour des marchés à conquérir comme à Marseille par exemple car, ici, les truands locaux sont solidement installés, et ils ont l'avantage d'être déjà au cœur du pouvoir. L'Ours a pu créer son petit empire qui tourne rond car après tout pourquoi les ruraux n'auraient-ils pas droit à la drogue, aux pulsions pédophiles ou a des belles prostituées des pays de l'Est que l'on peut violer ou torturer ?
Tout le récit des Démoniaques se construit autour de la personnalité de la jeune fille de l'Ours. Cette dernière sent bien confusément qu'elle aimerait changer de vie, mais vers qui se tourner lorsque l'on voit que tous les hommes sont des pervers et que les instances qui devraient protéger sont gangrenées par d'encore plus pervers et corrompus ? Mattias Köping appelle un chat un chat, un pervers un pervers, et ne se détourne pas lorsqu'il s'agit de décrire une scène trash, violente ou sexuelle. Il subsiste comme un noyau de pureté dans le couple qui se forme entre le professeur et la jeune fille, un amour qui va aussi provoquer la catastrophe, lorsqu'ils désirent s'en sortir et ne voient que peu de solutions. Coupé en deux parties - une description de la situation de pourriture du monde rural décrit, puis les péripéties liées au plan pour obtenir leur liberté et leur vengeance -, Les Démoniaques raconte une trajectoire noire, un récit âpre et sanglant, à la limite du malsain, sans pour autant que l'auteur ne sombre dans le scabreux voyeurisme.
Citation
Elle est à quatre pattes au milieu de la meute, fragile et nue, déchirée de sanglots. Son père la maintient par les cheveux. Elle s'appelle Kimy. Ce soir, on fête ses quinze ans.