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Ne laissez pas les chiens garder la viande
Grand format
Inédit
Tout public
Paris : Le Passeur, octobre 2016
508 p. ; 21 x 14 cm
ISBN 978-2-36890-413-8
Coll. "Rives noires"
Action et méfaits humanitaires
Il fallait attendre un regard étranger, celui d'une néerlandaise qui habite notre pays depuis vingt-cinq ans, pour enquêter sur ce qui a été un scandale ou une affaire trouble concernant principalement la France. Le récit se compose de deux parties qui pourraient d'ailleurs se lire de façon indépendante. Dans la première partie, nous allons suivre le quotidien de Claire, une femme dans une petite ONG au Darfour. Ce quotidien est scruté à travers ses activités et le regard d'un journaliste hollandais ce qui permet d'introduire des éléments plus didactiques. Dans la seconde, nous sommes dans un pays de l'Ouest africain où Claire s'est alliée à Pierre pour faire bouger les lignes, provoquer la fin du silence en aidant de jeunes orphelins africains. Mais ce ne sont pas réellement des orphelins, et cela rappellera à nos lecteurs qui gardent en mémoire les traces des informations passées une opération similaire - L'Arche de Zoé.
Mariska Mourik est elle-même journaliste et cela se voit dans son écriture précise, qui rend compte des faits, et qui se noie parfois dans sa documentation comme, par exemple, lors d'un long interrogatoire dans un aéroport ou dans une sous-intrigue, pas forcément nécessaire, sur l'utilisation par les forces gouvernementales d'avions déguisés en avions de l'ONU pour masquer leurs crimes. Elle parvient quand même à rendre vivante des scènes qui restent des suppositions (les échanges entre le Président de la république française et ses conseillers qui ont connaissance de l'opération, mais décident de la gérer en sous-main de manière cynique). Elle se permet même pour raconter la trajectoire de Kadhafi de passer par un conte pour enfants, transparent, narrant entre autres affaires celle des infirmières bulgares et de leur libération parfaitement orchestrée. Tout les manœuvres des ONG et leurs dérives sont passées au crible. De l'utilisation d'une grande partie des fonds pour créer d'autres appels aux dons aux gabegies des membres envoyés sur place qui se gobergent dans les grands hôtels en passant par les compromissions avec les pouvoirs en place, la façon dont les régimes se servent de ces mêmes ONG quand ils ne cherchent pas purement et simplement à les contrôler. On a devant nous le choc entre la bureaucratie occidentale et les réalités du terrain. À un moment, Claire se fait sauvagement agresser lors d'un contrôle policier et son organisation décide de ne pas agir afin de ne pas mécontenter les autorités locales. Du coup, son action illégale dans la deuxième partie apparaît, elle, comme éminemment plausible.
Ne laissez pas les chiens garder la viande est très intéressant comme témoignage, comme description d'un vécu. Mariska Mourik n'hésite pas d'ailleurs à noircir le tableau en nous privant d'un happy end commode et consensuel. Cependant, le bon reportage s'avère moins convaincant comme roman.
Citation
Le mouvement Save Darfur est le produit phare à visage humain de l'interventionnisme américain. La façade 'bonne conscience' de la guerre contre le terrorisme, l'aspect qui réconforte les foules.