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Grand format
Inédit
Tout public
Traduit du danois par Catherine Renaud
Paris : Belfond, octobre 2016
528 p. ; 24 x 16 cm
ISBN 978-2-7144-6052-3
De la glace sous le feu
Ce premier roman de Thomas Rydahl est fait de rencontres improbables : Erhard Jorgenson est un héros taciturne danois, que l'on imagine engoncé dans son île perdue au milieu des froidures, mais il se trouve en fait dans les îles de la Méditerranée espagnole. Est-il venu pour le soleil ? On ne le sait pas trop car il passe ses journées dans son taxi, à promener des clients, à lire des livres et à siroter des Lumumbas – des cocktails au chocolat et au rhum. Il vit dans une cahute, loin de tout, en compagnie de deux chèvres nommées Laurel et Hardy. Il a cependant laissé toute une famille au Danemark. Parmi ses rares connaissances, un couple aussi étrange que lui, Raúl, un jeune homme quasiment rentier et Beatriz, sa douce amie. Un jour, notre héros, que les locaux appellent l'ermite, voit sa vie chavirer à cause d'une image surréaliste : il est en effet convoqué par la police pour ses connaissances linguistiques car on vient de retrouver un bébé mort dans un carton, entouré de papier journal... et le journal est (bien entendu) d'origine danoise... Une enquête policière commence sur l'identité de la mère du bébé, mais elle semble très vite abandonnée alors Erhard Jorgenson la reprend à son compte et à l'ancienne. L'ermite a perdu les repères des liens sociaux et mène son enquête en fonçant, en vexant les susceptibilités. Lorsque Beatriz est retrouvée dans le coma et que Raúl disparait, il s'enfonce encore plus.
Dans l'île est un roman étrange. Le personnage central est un héros singulier, taiseux, qui a ses propres repères moraux et n'hésite pas à transgresser les lois, quelque soit le prix. Obnubilé par ce bébé retrouvé mort noyé dans une voiture sur la plage, il cherche à en savoir plus, ne sachant pas que cela risque de mettre un terme à bien des certitudes de sa vie. Malgré la chaleur et le vent, le décor semble gagné par les froideurs nordiques : entrepôts de nuit, courses de taxi dans le froid, lumières glauques des petits matins, des arrières salles de chauffeurs de taxi, vie triste des locaux qui attendent les touristes, prostituées sur les bords de route, bateaux porte-containers qui font naufrage, petite cabane qui vit au rythme d'un groupe électrogène, femme se mourant lentement sur son lit de fortune, menace omniprésente d'une mafia locale qui se surnomme les Trois papas (si je traduis correctement). La tristesse et la mélancolie du personnage semble déteindre sur les lieux, et si une solution à l'enquête verra le jour, elle restera aussi sombre que le roman. Derrière le décor pour touristes des îles du sud de L'Espagne, Thomas Rydhal nous montre un pays plus sombre, plus "roman noir" autour d'un personnage étrange, mais attachant, ermite au bord de la folie, dans un décor lunaire.
Citation
Même si la plus grande partie de son visage a disparu, il reconnaît Bill Haji. Il n'y a rien à sauver. Peut-être était-il mort avant que les chiens s'en emparent. Ses célèbres favoris ressemblent à de la fourrure de lapin retournée.