Contenu
Cinq lames d'acier
Grand format
Inédit
Tout public
Traduit du suédois par Martine Desbureaux
Paris : Le Seuil, novembre 2016
500 p. ; 23 x 14 cm
ISBN 978-2-02-109393-3
Coll. "Policiers"
Le droit de (crier) grâce
Les auteurs de Marée d'équinoxe frappent fort d'entrée de jeu. Cette fois, l'obligatoire prologue narre le meurtre et dépècement ayant eu lieu dans le roman précédent, rapporté "en direct live" par la victime en personne (à quand un "auto-assassinat" destiné à être "posté" sur un "réseau social" pour battre le record de followers ?). La suite, vingt ans après, nous montre Olivia Rönning, fille de la victime, "extraite au scalpel du ventre de [sa] mère assassinée" (ce qu'elle narrera sûrement dans le prochain épisode, ainsi sans doute que le meurtre de son père – qui se faisait appeler Dan Nilsson et vivait une double vie), fraîche émoulue de l'école de police (dans laquelle elle n'a surtout pas "envie" d'entrer), partant pour le Mexique afin de changer de vie (mais aussi de "vivre sa vie" – double entreprise un peu difficile à saisir mais sûrement très intéressante). C'est la moindre des choses, surtout quand on en a autant à sa disposition que les personnages de romans actuels. Elle y reprend le nom de sa mère (on est à la mode ou on ne l'est pas) : Rivera. Nous retrouvons aussi Tom Stilton, l'ex-flic devenu clochard (un de plus dans la longue liste), qui se remet de lourds traumatismes et qui est contacté par son ami Abbas el Fassi à propos du meurtre, à Marseille de son amour de jeunesse, jadis assistante (aveugle) d'un lanceur de couteaux – voilà qui permettra à nos Suédois de prendre le soleil dont ils ont tant besoin. Stilton pourra aussi y mettre à profit une vieille amitié avec le flic français Jean-Baptiste Fabre. Notons encore que Bengt Sahlmann, père de Sandra, amie d'Olivia, est retrouvé pendu juste après avoir ouvert une enquête sur la disparition d'un stock de drogue des locaux de la police. La mère, elle, est morte dans le tsunami de 2004, victime de la fatalité pesant ici sur les géniteurs. Après un tel torrent de poncifs, il est difficile de parvenir à l'originalité. Les auteurs s'en tirent plutôt mieux que dans leur opus précédent, malgré une tendance rédhibitoire et très mode à l'éclatement de l'intrigue et à la dispersion, mais c'est grâce à ce qui se situe "hors intrigue" et ne relève donc pas du polar. Notons par exemple le tableau saisissant d'une maison de retraite-mouroir, victime de la rentabilisation version fonds d'investissement – la Suède étant une image de l'avenir, voilà qui est réjouissant. De bonnes questions sont même parfois posées, comme celle sur les rapports de l'art et de l'argent (ou la morale). Le personnage de Borell illustre ainsi à la perfection le fait que l'activité la plus noble de l'être humain peut être totalement pervertie aussi bien dans ses moyens que dans ses fins. Mais est-ce vraiment ce qu'on recherche dans un polar et qui fait sa qualité ? Après deux cents pages de ce "hors piste", les événements se bousculent mais, lorsque intervient le dénouement – en plusieurs temps très prolongés – le lecteur a perdu de vue pendant si longtemps certains éléments de l'intrigue qu'il a du mal à recoller les morceaux. Et, pour l'assommer un peu plus encore, les auteurs lui assènent un nouveau retour en arrière, cette fois sur l'enfance de Tom Stilton, suivi d'un ultime épisode sanglant. Il y a des moments où le lecteur devrait avoir le droit de crier "Grâce, monsieur le bourreau !"
Citation
Le policier Tom Stilton, rejeton d'un violeur et d'une criminelle. Psychotique jusqu'à la moelle et dans un état de burn-out total.