Contenu
Grand format
Inédit
Tout public
Traduit de l'espagnol par Claude Bleton
Arles : Actes Sud, janvier 2017
320 p. ; 24 x 15 cm
ISBN 978-2-330-07266-7
Coll. "Actes Noirs"
Chasse aux fantômes
La Veille de presque tout, nouveau roman de l'Espagnol Víctor Del Árbol, est une plongée dans les affres de la filiation sur fond de culpabilité et de chasse aux fantômes. Son inspecteur, Germinal Ibarran, est père d'un enfant à qui il manque un chromosome. Ce même inspecteur a mis fin aux jours de l'homoncule, un projectionniste qui a violé et tué la fille d'une femme, qui dans le roman va errer de page en page sous deux noms, et tenter de fuir ce qu'elle ne peut pas fuir à savoir qu'elle est responsable malgré elle de la mort de sa fille. Cette fuite va l'amener dans un petit village côtier où elle va croiser quelques personnages eux aussi tiraillés par des douleurs liées à leurs enfants : l'un est mort, l'une a disparu et l'autre a sombré dans la folie. Et puis, pour parfaire ce tableau horrifique, le romancier ajoute une sous-intrigue avec trois exilés argentins et en trame de fond la dictature, la guerre des Malouines, les enfants (encore eux) volés, et une fille, fleuriste, qui ne sait rien des exactions commises par son père. Le découpage de l'intrigue fait que l'on va d'un hôpital de La Corogne à des geôles de Buenos Aires en passant par un mouroir barcelonais et un village de pêcheurs du Punta Caliente tout en remontant le temps et en découvrant la chronologie de faits qui se recoupent et s'amplifient. Les atermoiements quasiment nihilistes d'Ibarran, la nostalgie de Mauricio dont l'ami le plus proche a été tortionnaire au Grupo de tareas 3 et l'exécuteur de la Roussotte, et les pérégrinations morbides d'Eva Mahler sont autant de chasses fantomatiques auxquelles nous convie Víctor Del Árbol dans un roman sombre à la poésie déclinante, image même d'un monde en perpétuels chamboulements. La Veille de presque tout est également traversé d'une sourde culture, cinématographique (l'auteur révélant son amour des films noirs américains) et littéraire comme en témoigne le prénom de son inspecteur et le poème de Juan Gelman qui accompagne l'intrigue. Le style de Víctor Del Árbol installe une certaine inertie liée sans aucun doute à la fatalité qui s'abat sur ses personnages. Le plus meurtri d'entre tous, finalement, sera sans aucun doute Mauricio, parti à la rencontre d'un rêve allemand, sorti d'un cauchemar argentin et englué dans un purgatoire espagnol. À moins qu'il ne s'agisse de Germinal Ibarran contraint par son métier à côtoyer perpétuellement de tels personnages. Tragique !
Citation
Le monde est plein de dégénérés pour qui les autres sont des éléments du paysage où se déroule leur vie. Ces dingues ne voient pas les gens, ils n'ont pas conscience de leur existence, ils leur marchent dessus ou les transpercent, les utilisent, les écrasent et les jettent comme des déchets.