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Grand format
Réédition
Tout public
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Bernard Cohen
Paris : Sonatine, juin 2015
264 p. ; 18 x 13 cm
ISBN 978-2-35584-341-9
Coll. "Sonatine +"
L'enfer, c'est vraiment les autres
Le récit est linéaire et d'un abord plus que facile : Eliott Gast est un économiste américain à la vie sans histoire qui a été enlevé dans la capitale belge. Représentant du "grand capitalisme cosmopolite international", il est filmé en permanence, dans une version particulière de la télé-réalité. Comme ce personnage est un bon vivant, peu à peu, on va lui retirer chirurgicalement les cinq sens. Pour cela des téléspectateurs paieront afin que soit décidé si on continue les expériences ou si on libère la victime. L'intrigue est centrée sur le personnage que l'on ne quittera pas une seconde, comme un rappel des caméras qui le filment sans arrêt et qui le positionnent au centre du dispositif. Le lecteur n'aura que quelques informations sur les motivations de ceux qui l'ont kidnappé, des motivations d'ailleurs un peu confuses car on a l'impression qu'il y a même deux groupes qui s'opposent à l'intérieur de l'équipe des ravisseurs, sur les événements extérieurs ou sur les tentatives des polices pour le retrouver. Le côté télé-réalité n'est, lui aussi, qu'esquissé, à travers notamment de petites piques contre les goûts malsains du public qui paie majoritairement pour que l'on continue à filmer les tortures que subit le personnage. L'essentiel de l'histoire est un déroulé des pensées d'Eliott Gast, ponctué de retours en arrière sur sa vie avant le kidnapping. Ce côté resserré dès le départ s'accentue encore au fil des pages puisque, petit à petit, les moyens de sentir l'extérieur de son corps vont être retiré au personnage. Ce centrage sur le personnage, cette évacuation des événements, de la psychologie et des motivations donnent un côté glacé, kafkaïen à ce court récit qui se dirige à bride abattue vers sa fin, plus comme une parabole de littérature générale autour de la condition humaine ou du monde (car après tout, le titre Aveuglé se réfère-t-il au personnage ou à l'humanité ?) qui nous entoure, que dans un roman noir de facture classique.
NdR - Aveuglé a déjà fait l'objet d'une publication en 2002 aux éditions Calmann-Lévy sous le titre Sens interdits.
Citation
Imaginez le lieu de votre captivité. Vous savez qu'il existe : il demeure en chacun de nous [...] N'importe quelle pièce peut se muer en prison. Il faut seulement une clé et quelqu'un pour la tourner.