Contenu
Grand format
Inédit
Tout public
316 p. ; 21 x 14 cm
ISBN 978-2-265-09938-8
Coll. "Fleuve noir. Thriller"
Pour l'amour du risque
Si nous étions polyglottes, nous saurions que Zanzara signifie "moustique" en italien. Zanzara peut être le surnom affectueux donné à un enfant, mais peut aussi être attribué à un petit insecte sans grand intérêt qui bourdonne beaucoup et agace les oreilles. Fred pourrait mériter ce surnom de moustique. Tout d'abord, parce qu'il est enfant de parents italiens et que lui et Greg, son frère, sont des adolescents actifs et téméraires. Ensuite, parce que Fred est journaliste (d'ailleurs le journal Moustique n'employa-t-il pas Spirou et Fantasio, autres grands Belges devant l'éternel ?) et qu'un journaliste n'est après tout qu'un petit insecte qui bourdonne autour des puissants, ennuyant de ses questions et scoops les puissants, mais pouvant être souvent balayés d'un revers de manche. L'analogie pourrait même être prolongée puisque Fred anime le site Web d'un journal et donc fait du buzz, bruit que produisent justement les moustiques. L'allusion à l'enfance est logique car c'est un leitmotiv qui court tout au long du roman : Fred doit lutter avec l'image de son frère mort adolescent, et se comporte comme s'il devait se prouver qu'il est digne de ce décès dans lequel il a sa part. L'affaire l'entraine aussi dans la découverte d'autres connaissances qui vont avoir des rapports père-fils complexe, le tout surmonté par l'image d'une morte qui traverse le texte : une femme enceinte tuée lors de sanglants affrontements en Ukraine.
Mais c'est le métier de journaliste qui est au coeur de cette histoire. Tout commence lorsque Fred reçoit le coup de fil d'un homme qui prétend avoir des informations importantes à lui transmettre. Lorsque Fred se rend sur les lieux, il ne découvre qu'un cadavre. L'affaire se complique lorsque tout ressemble à un suicide et que le mort était décédé avant de passer son coup de téléphone ! Fred décide d'enquêter, seul, puis avec le fils de la victime, qui ne peut croire au suicide. Comme le père avait des activités louches, cela va déboucher sur une bien ténébreuse affaire. La partie policière est menée de manière classique bien intéressante, mixant une enquête sur un meurtre recouvrant la volonté de cacher une affaire sombre bien dans l'esprit du temps (des mercenaires, des situations géo-politiques complexes, des complots à l'intérieur de complots). Surtout, Paul Colize sait apporter des contre-points intéressants avec le parcours de ses personnages. Ici, Fred, au centre de l'intrigue, est un être complexe "coincé" entre son amour fantasque (superbe et surréaliste à la belge, très Strip-tease et autres joyeusetés légèrement décalées) et son côté nerfs à vif (des descriptions de courses à contre sens sur l'autoroute ou autres façons de défier la mort, compagne de route). Et le romancier sait dresser un portrait à l'aide de quelques éléments, rendre sensible une situation (par exemple, la relation complexe entre un père et son fils, ou tout l'amour que l'on sent en quelques lignes dans le portrait d'un Ukrainien dont la femme a été tuée dans une manifestation politique, ou encore le regard tendre et désenchanté d'une journaliste envers Fred) et, ainsi, créer une tension entre des moments de bonheur, des scènes plus tendues. Zanzara à travers le récit de la rédemption d'un personnage qui réapprend à vivre, à découvrir le bonheur et à en profiter, c'est le récit d'une éducation sentimentale et politique, du moment où l'on devient un adulte, où l'on assume ses choix, jusqu'au bout, sans oublier d'où l'on vient, le majeur dressé contre l'idiotie du monde.
Citation
Le pistolet se trouve sous le bureau, à quelques mètres du macchabée. Sauf tour de passe-passe, je ne vois pas comment il a atterri là.