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Dernière fenêtre sur l'aurore
Poche
Réédition
Tout public
Inavouable
Bernard Longbey travaille à la Brigade des Mineurs de Bois-Joli. Il enquête sur l'assassinat d'Aurore Boischel, une étudiante retrouvée égorgée dans sa chambre de la Cité Universitaire. Le problème c'est que Bernard, cette fille, il l'a connaissait. Depuis qu'ado, elle était venue le voir parce que son père, Patrick Boischel, abusait d'elle. Dès lors, Bernard s'est mis à la protéger. Et quand le père de la gamine a disparu, Bernard a continué de la voir. Un peu spéciale point de vue sexualité Aurore, comme les êtres qui ont malheureusement eu affaire à un pédophile. Elle était branchée BDSM, se faisait attacher, sodomiser, offrir à plusieurs amants. Elle fréquentait une boîte échangiste avec salon privé pour amateurs de rapports domination/soumission. Elle y allait avec un homme mystérieux, le genre à ne pas aimer que l'on puisse facilement l'identifier, un bon trentenaire dans le genre de Bernard. Du moins il lui ressemblait. Évidemment, ça la foutrait mal que se soit lui. Un flic de la Brigade des Mineurs traînant dans ce genre de lieu avec une ancienne plaignante. D'autant que Bernard, au cas où il y aurait un doute sur sa personne, ne pourrait pas vraiment invoquer l'alibi en béton du parfait équilibre familiale : il (sur)vit seul depuis que sa femme, Virginie, l'a quitté en emmenant avec elle Sandra, leur fille. Sauf qu'avant de se barrer, elle lui a avoué que Sandra n'était pas de lui. Elle le trompait depuis longtemps alors pourquoi l'a-t-elle quitté ? Bernard pense que c'est parce qu'il n'y arrivait plus. Il n'arrivait plus à enlever sa peau de flic pour réintégrer sa peau de bon père de famille. Trop d'horreur, trop de gosses qui défilaient, qu'il fallait mettre en confiance pour qu'ils osent raconter l'irracontable, ce qu'un père, un beau-père, un grand-père, un oncle leur a fait subir. Bernard ne pouvait plus bander, ne plus faire l'amour. Petit à petit, il s'est laissé contaminer par la noirceur. Il a pris un deuxième abonnement téléphonique, n'a donné son nouveau numéro qu'aux enfants qui avaient le courage de venir le voir et qu'il recevait seul, sans sa collègue pour témoin. Il leur promettait de venir punir le méchant si le méchant leur refaisait du mal. Un jour, le portable a sonné. Bernard a sombré. Il resta flic le jour et devint justicier la nuit. Parmi les victimes à qui il avait donné ce numéro : Aurore Boischel.
David Coulon a construit son roman à l'image de l'état psychologique de son "héros". Il y a ce que Bernard fait, ce qu'il se souvient avoir fait, ce qu'il croit avoir fait, ce qu'il redoute avoir fait, ce qu'il croit devoir faire, et tout ce qu'il a oublié dans ce brouillard qu'est devenu son existence. Bernard n'est pas paumé, il est en chute libre. Noir de chez noir, ce polar est glauque à souhait, détonnant par son style brut et la violence de son contenu. Niveau atmosphère et couleur, ça m'a fait penser aux deux meilleurs films d'Olivier Marchal (36, quai des Orfèvres et MR 73, on est d'accord). Les informations sont intelligemment distillées et si le personnage de Bernard tient la première place, il n'est pas seul en piste. Bellec est un collègue qui fait son boulot. Rudy Poller, un détective privé qui file Bernard pour le compte d'un point d'interrogation nommé Sam. Frazetti est un "empereur" corse du monde de la nuit et du sexe pour qui bosse Sébastien Frémont, l'ex-petit ami d'Aurore Boischel. Et Patrick Boischel, Maurice Legrand, Raymond Fritz et Edmond Poindron sont des pédophiles qui ont mystérieusement disparu. Le rythme est haletant, le vrai et le faux se côtoient pour nous emmener vers un final au dénouement étonnant.
Citation
Au début tout allait bien. La vie rêvée en somme. L'apparence illusoire du bonheur. Attachement progressif à Virginie. Attachement de plus en plus fort. Amoureux d'abord, bien sûr. Besoin de sentir sa peau, son odeur, de la mordiller délicatement. Puis d'Elle tout entière. Plus que de l'amour. Attachement réciproque avant l'envie d'enfants. Avant l'impuissance.