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Les Pièges de l'exil
Grand format
Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais (Écosse) par Philippe Bonnet
Paris : Le Seuil, mars 2017
388 p. ; 23 x 14 cm
ISBN 978-2-02-133993-2
Délices frelatées de la villa Mauresque
En installant son policier, devenu détective, dans l'Allemagne des années 1930-1940, Philip Kerr oscillait entre fatalisme face aux incertitudes politiques, aux compromissions nécessaires, et un certain sens du cynisme pour quand même tenter une action. Le personnage central, Bernie Gunther est un être désabusé, vieillissant, et ce n'est pas cette nouvelle enquête qui risque de changer la donne. Dans ce volet, Bernie Gunther vit discrètement comme concierge dans un grand hôtel de la côte d'Azur. Outre son métier, il passe son temps à jouer au bridge. C'est à ce titre qu'il va être amené à effectuer une petite enquête (contre plot de l'intrigue) autour de la mort de son partenaire de bridge. Mais cette passion du jeu attire surtout l'attention d'une belle jeune femme qui propose à Bernie Gunther de l'aider. Elle aimerait apprendre le bridge afin de s'introduire chez Somerset Maugham, qui séjourne dans le coin dans la villa mauresque qu'il a achetée, dont elle entend écrire une biographie. Finalement, c'est Bernie Gunther qui rencontre le grand écrivain et ce dernier lui propose un petit travail : l'aider à se débarrasser d'un maître chanteur.
Là où le monde devient effectivement cynique et désabusé c'est dans la longue description d'une affaire d'espionnage qui se cache derrière ce chantage. En effet Somerset Maugham a servi dans l'espionnage anglais et on lui propose des documents qui permettraient de coincer des taupes soviétiques au sein de l'appareil du contre-espionnage britannique. Mais les intermédiaires de cette opération sont des Allemands de l'Est, dont un homme est reconnu par Bernie Gunther car il fut l'un des pires nazis opportunistes à qui il eut à faire affaire. Cet élément permet de développer des points biographiques du détective dans les années 1930 à Berlin, puis à la fin de la guerre, sur le front est. Est-ce l'atmosphère feutré des Britanniques ? Les multiples petits pas des principaux protagonistes de l'histoire qui risquent le scandale pour des affaires d'homosexualité ou éviter les soupçons sur la qualité des services secrets, et la profondeur de leur infiltration par des agents communistes ? Est-ce le fait qu'à présent Bernie Gunther flirte dangereusement avec les soixante ans ? Son cynisme est de plus en plus désabusé, suite aux nombreuses déconvenues dont il fut victime (et cela ne s'arrange pas dans ce volet). Toujours est-il que l'intrigue, solidement charpentée, et aux multiples rebondissements, reste captivante mais un peu languide. On retrouve avec bonheur les remarques acides du personnage, ici aux prises avec le milieu des hautes classes anglaises entre homosexualité, écriture et espionnage. On appréciée sa façon de voir le monde, d'en décrire de loin les rouages complexes où beaucoup essaient d'escroquer sentimentalement, financièrement, sexuellement les autres pour leur propre profit. Bernie Gunther résout les choses avec élégance, mais Les Pièges de l'exil, roman sympathique, ne réussit pas à avoir l'impact des précédents volets des aventures de ce personnage emblématique de l'œuvre de l'écrivain écossais.
Citation
Je mentais maintenant avec tant d'aisance que je commençais à avoir le sentiment d'avoir raté ma vocation. J'aurais peut-être pu être le Somerset Maugham allemand.