Contenu
Poche
Inédit
Tout public
298 p. ; 18 x 12 cm
ISBN 979-10-310-0305-4
Coll. "Crimes et châtiments"
Assassin, synthétique, ticket...
Tout le monde connaît ce jeu enfantin où il s'agit d'annoncer un mot, puis d'en trouver un autre commençant par la dernière syllabe du mot précédent, et ainsi de suite. Un jeu enfantin, c'est aussi s'assurer une proximité avec le jeu littéraire enfantin par excellence : la poésie. Dans De sac et de corde, nouveau roman de Gilles Vidal, il y a justement une enquête autour d'Aristide Ridore, un poète mort depuis longtemps. Comme Rimbaud, il aurait disparu durant quelques années, mais il existerait un journal de sa main, relatant justement ce qu'il a fait durant ce temps-là. L'envoi d'une équipe pour retrouver ce trésor littéraire que conserve secrètement une famille descendante de l'écrivain, encadrera le roman dans une temporalité et dans une région. De fait, cette recherche sert de prétexte au jeu que nous évoquions plus haut. Gilles Vidal va se servir de cette plongée dans Morlame, la ville natale du poète, pour nous offrir une vue en coupe réglée. Selon le principe du marabout-bout-de -ficelle, l'intrigue va virevolter d'un personnage à l'autre, sortant sans cesse du cadre pour présenter un événement encore plus noir, une description encore plus horrible ou glauque. Derrière la petite ville de province où rien ne se passe, l'auteur démontre une vie souterraine, des enjeux, des actions mesquines ou grandioses, des truands de bas étage, des obsédés sexuels ou d'antiquités, des gens prêts à tuer pour une satisfaction de quelques secondes. De temps en temps, comme pour souffler dans ce jeu de massacre, l'on revient autour des forces de police convoquées à droite ou à gauche pour ramasser les cadavres et tenter de comprendre les enchaînements. Mais allez comprendre ce qui n'est que poésie en action, car comment saisir que l'on puisse à la fois être un poète et un marchand d'armes ?
De sac et de corde est éminemment lisible, parcouru par un style qui n'hésite pas à se frotter aux pires éléments, à décrire avec autant d'énergie et de volonté l'amour comme la mort, une partie de jambes en l'air comme la découverte d'une statue manquant à une collection. Comme dans le surgissement des images poétiques, Gilles Vidal passe d'une rencontre amicale à l'enterrement d'un trafiquant dans les fondations d'une maison. Et rien n'échappe à l'œil aiguisé et cynique de la réalité : un ignoble dentiste qui invente des caries pour augmenter ses bénéfices et est rattrapé par le frère irascible d'une cliente, des amours adultérines dans une chambre d'hôtel, un homme qui se promène avec un sac bourré de billets et a une crise cardiaque en pleine forêt, celui qui découvre le sac alors qu'il se balade avec sa copine...
Tous ces éléments qui se croisent, ou pas, ces vignettes d'intrigues qui auraient pu donner lieu chez d'autres auteurs à un roman entier et qui, là, sont offerts comme autant de cailloux du Petit Poucet, construisent pourtant, comme un puzzle au départ incompréhensible, un texte d'une densité forte, un soleil noir comme aurait pu dire Aristide Ridore, le poète assassin, l'homme qui, après Villon ou Rimbaud, a fait la jonction entre les extrêmes de l'humanité.
Citation
Seule la réalité rugueuse est à étreindre. Désolé. Il appuya sur la gâchette et Willard Matthews reçut la balle en pleine tête.