À l'ombre du pouvoir

Les gars étaient comme des fous, ce n'étaient plus des hommes, des gosses, des ados, l'odeur du fric leur avait grillé le cerveau. Ils ne deviendraient jamais des hommes, c'était trop tard. Tard le soir, lorsqu'ils lisaient des histoires dans leur pieu, ils crachaient sur le Petit Poucet, violaient le Petit Chaperon Rouge et boulottaient le corbeau et ce putain de camembert. Le loup les avait bouffés, il avait bouffé leur âme. Le loup était plus grand, plus fort et plus dangereux.
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Roman -

À l'ombre du pouvoir

Social - Drogue - Assassinat - Urbain MAJ lundi 18 septembre 2017

Note accordée au livre: 3 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 21 €

Neely Tucker
Murder D.C. - 2016
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Alexandra Maillard
Paris : Gallimard, septembre 2017
368 p. ; 23 x 16 cm
ISBN 978-2-07-010665-3
Coll. "Série noire"

Washington Noir

Retour du reporter Sully Carter, vétéran de reportages de guerre qui l'ont marqué dans sa chair et son âme, gros buveur et chevaucheur de motos sportives Ducati. Cette fois, il est mis face à une affaire inhabituelle : un cadavre retrouvé flottant entre deux eaux non loin du Bend, le quartier le plus mal famé de tout Washington et plaque tournante du trafic de drogue. Sauf que le mort, tué d'une balle dans la tête, n'était pas qu'un petit camé sans importance : il s'appelait Billy Ellison et était le fils d'une des rares familles noires extrêmement riches et puissantes de la capitale. Sully apprend que Billy était homosexuel plus ou moins avoué et peut-être drogué, du moins est-ce ce que prétend sa famille. Mais ce que découvre Sully ne colle pas vraiment à ce portrait. Et que veut dire sa mère Dolores qui lui déclare "Vous alliez le découvrir, de toute manière" avant de se donner la mort ? Afin de bâtir sa thèse de doctorat, Billy aurait-il découvert un secret assez grave pour lui coûter la vie ?
Ces dernières années, la "Série Noire" s'est ouverte à des textes plus proches de la littérature générale (cette zone grise ou on trouve parfois les plus belles pépites), voire à la science-fiction avec la très bonne trilogie des "Brillants" de Marcus Sakey. Ce qui est plus que louable, mais parfois, il est bon de revenir à ce qui fait que l'appellation "Série Noire" est entrée dans le langage courant. Comme Joy Castro, Neely Tucker a choisi la figure emblématique du journaliste tenace, présenté avec La Voie des morts, marqué par un passé de reporter de guerre dans les lieux les plus chauds et les plus dangereux de la planète. C'est un véritable personnage de cinéma aurait pu être interprété en son temps par Michael Douglas. L'intrigue est une épure de la "Série Noire" telle qu'on se l'imagine : un décor urbain, un meurtre, des truands, un enquêteur acharné et une révélation finale plutôt bien sentie qui prend une tournure douce-amère tant l'auteur sait donner corps à la victime qui est loin de n'être qu'un vecteur de l'action. Quand au portrait des demi-sel qui hantent ce quartier mal famé (invention de l'auteur, nous précise-t-on), ils sont hauts en couleur tout en évitant la caricature. On peut regretter quelques longueurs, même si on ne peut parler de tirage à la ligne, mais pas de doutes, les amateurs de Thomas H. Cook, voire de Lawrence Block, peuvent y aller en confiance.

Citation

Les gens s'excitaient toujours autour d'un meurtre, se dit alors Sully, le téléphone à la main. Ils se comportaient comme si c'était le pire drame de la Terre, une chose qu'aucune société civilisée ne devrait tolérer... Et pourtant, la plupart des affaires restaient irrésolues parce que ceux et celles au courant refusaient de s'impliquer. Les assassins n'étaient pas particulièrement brillants. Ils tuaient simplement des individus dont personne n'avait grand-chose à faire.

Rédacteur: Thomas Bauduret lundi 18 septembre 2017
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