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Sous ses yeux
Grand format
Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais par Fabrice Pointeau
Paris : Le Cherche midi, août 2017
396 p. ; 22 x 15 cm
ISBN 978-2-7491-5421-3
Coll. "Thriller"
Vision, illusion
C'est l'histoire d'une femme, Lily Gullick, qui regarde les oiseaux avec des jumelles et qui détourne son regard vers les habitants d'une vieille résidence de standing qui se trouve en face de la sienne. Cela vous dit quelque chose ? À l'époque où musicalement on s'amuse à mixer d'anciens morceaux, voici un roman qui mélange deux films d'Alfred Hitchcock. L'un d'eux, Les Oiseaux, est d'ailleurs cité plusieurs fois dans le roman quant à l'autre, Fenêtre sur cour, il n'apparait qu'en quatrième de couverture). Il y a un côté parodique, un clin d'œil ironique lorsqu'à un moment, le personnage central du roman regarde par sa fenêtre et que des oiseaux viennent s'écraser sur ses vitres. Mais il ne s'agit que d'oiseaux morts que des crétins lui envoient dessus. Dans Fenêtre sur cour, James Stewart, le héros, bloqué par une blessure et un plâtre, passe son temps à observer ses voisins. Ici, c'est Lily Gullick qui traîne dans son appartement. Les alentours jouent sur l'atmosphère : certains immeubles vieillissent et les locataires n'attendent plus que les expulsions. Derrière leurs bureaux, les promoteurs n'espèrent que cela pour construire de nouveaux immeubles destinés à une clientèle plus huppée, voire même à des inconnus qui n'y verront qu'un placement. Chacun s'y croise sans parler. Très symbolique de cette situation : dans l'immeuble même où habite Lily Gullick, il y a une connexion Internet de moins que le nombre d'habitants ! Alors, à tour de rôle, les réparateurs ou les habitants coupent la jonction d'un autre pour prendre sa place. Lily et son mari ont bloqué une ligne en disant qu'ils étaient médecins et qu'ils avaient besoin pour les urgences de cette liaison. Du coup, lorsque les résidents se sentent patraques, ils appellent Lily qui vient avec sa trousse de docteur (achetée spécialement pour l'occasion) mais qui ne contient que des babioles. Dans cette atmosphère étrange et déshumanisée, Lily va observer un voisin qui lui semble louche. S'agit-il d'un assassin ? Lorsqu'une voisine est retrouvée morte, Lily veut en savoir plus et déclenche une avalanche de catastrophes.
Servi par une écriture forte, qui joue sur le statut mental des acteurs, le roman commence calmement par poser ses personnages, puis lentement, nous fait douter de son héroïne dit-elle la vérité ? Est-elle complètement folle ? Son mari est-il aussi bizarre qu'il parait, ou juste tête en l'air (ou pire) ? Lentement, comme les vitres qui se salissent sous les traces sanglantes des oiseaux, Ross Armstrong nous fait douter de la santé mentale de son héroïne, et les scènes se troublent dans les couloirs mal éclairés des immeubles, dans les poussières des bâtiments qui s'écroulent, dans la nuit ou la pluie. De fait, ce que l'auteur a réussi parfaitement à transcrire dans Sous ses yeux, c'est ce que réussit Alfred Hitchcock dans ses films : nous présenter l'histoire à travers les yeux d'un personnage, nous faire adhérer à sa vision, tout en glissant des allusions qui peuvent nous faire douter de la réalité des informations qui nous sont transmises. Au final, il y aura bien un meurtrier, une histoire sordide, mais pas celle que l'on pense. Sous ses yeux est un thriller psychologique et intimiste d'une grande qualité !
Citation
Quelque chose s'écrase contre ma fenêtre. Je me laisse tomber et plaque mon dos contre le solide mur blanc. Loin des regards. Je respire fort. je tremble. les poils sont dressés sur mes bras. Mon cœur bat à tout rompre.