Le Doulos

Elle lui disait qu'il n'avait pas le sens du temps. Dans ces cas-là, il rétorquait que ce n'était pas lui l'inadapté, plutôt le monde qui allait de plus en plus mal, gâché et déprimant, insupportablement indifférent.
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Roman - Policier

Le Doulos

Braquage/Cambriolage - Gang - Trahison MAJ dimanche 29 octobre 2017

Note accordée au livre: 4 sur 5

Poche
Réédition

Tout public

Prix: 9,5 €

Pierre Lesou
Paris : French Pulp, mai 2017
214 p. ; 19 x 11 cm
ISBN 979-10-251-0246-6

Tête à chapeau

Est-il encore nécessaire de présenter Le Doulos ? Film de Jean-Pierre Melville sorti en 1963, avec Jean-Paul Belmondo, Serge Reggiani, Michel Piccoli, Jean Desailly et pas de personnage féminin puisque c'est un film de Melville... non, je déconne... et Fabienne Dali. Les plus pointus s'empresseront d'ajouter : atmosphère lourde, opaque, sombre, sans lumière, désespérée, épurée au maximum, Le Doulos, après Bob le Flambeur et avant Le Deuxième souffle, assoit J.P.M. comme le réalisateur du film noir à la française. Hum, pas mal. Sauf que... Sauf que Jean-Pierre Grumbach (le vrai nom de Melville, un peu de culture G. ne fait point de mal) n'a pas toujours livré des scénarios originaux pour faire des films. Non, il a même régulièrement adapté des romans. À tel point que dans sa filmographie riche de treize long-métrages, on trouve sept adaptations. Avant d'être un film référence, Le Doulos est donc d'abord un roman paru chez Gallimard en 1957. Pierre Lesou en est l'auteur. Et si les codes du genre ont changé depuis soixante piges, on peut remercier French Pulp de nous faire redécouvrir ce classique de la "Série Noire", légendaire comme peuvent l'être Touchez pas au grisbi d'Albert Simonin, Du Rififi chez les hommes d'Auguste Le Breton ou Le Trou de José Giovanni. Car attention, là, on parle patrimoine. S'agit plus de déconner. On a les bases dans les pognes quand on reluque le book. Et, outre le fait que pour tout amateur de polar qui se respecte c'est émouvant, c'est aussi et avant tout très intéressant de s'apercevoir qu'en fait, bien que l'influence vienne, on ne peut pas le nier, des États-Unis (puisqu'à cette époque tout, à part le Parti Communiste Français, était influencé par les États-Unis), c'est très intéressant, disais-je, de constater que les auteurs français faisaient du polar franchouillard cent pour cent pur Beaujolais. Non, j'exagère, les héros buvaient du whisky. Mais pour le reste, ils fumaient des Gauloises, des Gitanes, traînaient à Pigalle ou à Montmartre, grignotaient des jambon-beurre, bécotaient des gonzesses qui s'appelaient Thérèse ou Simone, et parlaient un argot qui n'avait rien à envier à son homologue ricain. Au contraire, je le trouve même plus riche, moi. Bref, le roman noir à la française ça existe aujourd'hui parce que ça a existé hier. Et son admiration disproportionnée qui allait, paraît-il, jusqu'à un certain mimétisme avec les grimaces de l'oncle d'Amérique, c'est dans les films qu'il s'exprimait. Les grosses bagnoles, les banlieues, les rues sans fins, les drinks, les vamps, les nègres (terme d'époque) qui jouaient du jazz, tout ça c'était pour la péloche et le cinoche des familles du samedi soir. Ce sont les réalisateurs qui étaient fascinés par le folklore américain. Et Jean-Pierre Melville plus que les autres. Les infidélités qu'il a faites au roman, et qui ne portent que sur ce rapprochement avec l'ambiance made in USA qui le fascinait, le prouvent. Alors pourquoi avoir adapté un roman français (les dialogues du film de Melville sont pour ainsi dire du mot à mot avec ceux du roman de Lesou) ? Eh bien, parce que le sujet, le thème traité par Lesou est également un thème cher du réalisateur au stetson et aux lunettes fumées. L'indic', la balance, le doulos (en argot), un pied dans chaque camp, et donc des relations, des amitiés, des ennemis dans chaque camp. Tous les films de Melville parlent de la frontière entre le Bien et le Mal. Qui la franchit, pourquoi, quel est l'événement qui oblige le ou les personnages à franchir cette fameuse frontière et, SURTOUT, quand est-on du bon ou du mauvais côté ? Quand on est du côté de la morale ? Mais la morale a-t-elle elle-même choisi le bon camp ? Dans Le Cercle Rouge, Melville finit par (faire) dire : "Tous les hommes sont coupables." Mais coupable de quoi ? Coupable d'être flic ou coupable d'être gangster ? Coupable de résister ou coupable de céder ? Et dans Le Doulos, de quoi est coupable Maur ? De faire confiance à Silien ou de douter de lui ?
Maurice Faugel, dit Maur, est loyal et fidèle en amitié. S'il a tiré six ans de central c'est pour avoir couvert ses potes tandis que la police radinait sur le lieu où ils étaient en train d'opérer. Ils ont pas la mémoire courte ses potes. Surtout Gilbert. Depuis que Maur est sorti, il s'occupe de lui. Popote, cigarette, carbure, Maur a table ouverte chez son copain Gilbert. Le fourgue, car Gilbert s'occupe, entre autre chose, de tailler les bijoux du dernier braquage de Nuttheccio (un caïd contre lequel il vaut mieux avoir du répondant si on lui cherche des noises), se charge même de lui trouver une affaire : un cassement dans la baraque d'un écrivain avec un coffiot dans lequel il y aurait du biffetons à grailler. Au poil. Malheureusement, Maur a appris un truc qui lui reste sur l'estom'. Quand il était en cabane, Gilbert lui a refroidi sa gonzesse de peur qu'elle déballe ce que justement Maur ne déballait pas à la flicaille : le blase de ses complices dont celui de Gilbert. Maur abat Gilbert et se barre avec les bijoux de Nuttheccio avant que ce dernier n'arrive pour les récupérer. Il planque la joncaille et se prépare pour le cassement chez l'écrivain. Il y va avec Rémy, un jeunot qui peut ouvrir un coffre-fort aussi bien qu'une boîte de conserve, pour peu qu'il possède l'ouvre-boîte adéquate. Le matos en question c'est Silien qui le fournit. Maur a confiance en Silien. Et ce malgré ce que tout le monde raconte sur son compte : que c'est un mouchard, un doulos... Quant à la suite, à vous de la lire !

Citation

L'homme, toujours accroupi, mit sa première trouvaille dans la poche de sa veste et le paquet à l'intérieur de son imperméable. Il se redressa alors pour glisser le revolver dans sa ceinture. Enfin, ayant remis de l'ordre dans ses vêtements, il repartit par le chemin d'où il était venu.

Rédacteur: François Legay dimanche 29 octobre 2017
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