Contenu
Grand format
Inédit
Tout public
Traduit du portugais par Myriam Benarroch
Paris : Chandeigne, octobre 2017
408 p. ; 21 x 15 cm
ISBN 978-2-36732-153-0
Coll. "Bibliothèque Lusitane"
Le Tage a mal
Pedro Garcia Rosado nous propose, avec ce roman dont le titre n'est pas sans rappeler l'une des fameuses enquêtes d'Hercule Poirot, une intrigue classique dans la cité lisboète, mais avec une population à laquelle on n'est que très peu habitués. L'immersion est totale, le dépaysement aussi même si, paradoxalement, on découvre avant tout une métropole européenne avec ses bas-fonds, sa pègre, ses trafics et son immigration de l'ex-bloc des pays de l'Est.
Mais Lisbonne c'est avant tout une ville millénaire bâtie aux abords du Tage dans des zones marécageuses asséchées péniblement. Des Phéniciens et des Romains, il ne reste que des décombres et des galeries souterraines d'où surgit une puanteur certaine. Le fait divers qui va inaugurer le roman est basique et sordide : une jeune femme aux origines slaves, prostituée, qui a tourné dans des films pornographiques, est violentée par deux frères dans une embarcation. Elle croit pouvoir s'échapper mais est sauvagement assassinée à l'aide d'une ancre marine. Les deux frères paniquent et abandonnent le corps... au Diable en personne ! Il est temps de donner une identité à cette jeune femme qui traversera de façon sacrilège le roman. Irina est la sœur d'Oulianov, un ancien colonel du KGB qui, arrivé au Portugal, a versé dans un gang avant de payer sa dette à la société en trahissant les siens. Depuis, il vivote avec des yeux dans le dos car sa vie ne tient qu'à un fil. C'est lui qui va mener l'enquête à l'instigation du compagnon d'Irina, russe comme eux, qui s'est inquiété à juste titre de sa disparition. Petit à petit, dans un roman aux multiples personnages, des personnalités vont apparaître et se révéler. Hormis les deux frères bannis, qui ont déjà par le passé commis un crime identique, prouvant par là-même que toute notion de rédemption leur est exclue (quoique l'un des deux, le plus coupable dans les faits, est peut-être le moins moralement), il y a le personnage de José Moura, "inspecteur avec de nombreux numéros de téléphone" et celui du "Diable". Le premier est celui qui a recueilli par le passé les confessions d'Oulianov et qui va devoir recomposer avec lui au cours d'une enquête sanglante. Le second est l'incarnation des soldats oubliés de l'Angola (où il a perdu un œil et la raison).
Il y a de la misère, de la corruption, de la violence, de l'abandon et beaucoup de désenchantement dans Mort sur le Tage, et Pedro Garcia Rosado redonne vie à des éclopés de la vie oubliés de la société avec beaucoup d'attention.
Citation
Oulianov attend. Lentement, Conan tend sa main gauche et saisit la cheville du Russe pour l'obliger à retirer son pied. Oulianov sent la pression mais il comprend qu'elle ne traduit plus toute la force de son adversaire. Du pied gauche, il écarte le poignet de Conan et la main cède.