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Mémoires secrets d'un valet de cœur
Grand format
Inédit
Tout public
320 p. ; 23 x 14 cm
ISBN 978-2-02-132018-3
Coll. "Thriller"
Belle époque épique
Brigitte Aubert a régulièrement travaillé ses romans policiers en s'inspirant de personnages hors normes, et souvent autour de la sexualité, de ses marges, des contours flous qu'il peut y avoir entre le désir sexuel, l'identité sexuelle et la réalité corporelle. Dans ses romans les plus anciens, cette différence entre la vérité biologique et l'image décalée que chacun a de son propre physique a souvent été l'objet de frustrations, de tensions, de départs de quêtes meurtrières et psychanalytiques, de tueurs en série n'assumant pas forcément cette différenciation. Avec le temps, sans pour autant atténuer l'aspect transgressif, ou peut-être avec l'évolution lente de la société, le problème du genre s'est calmé dans son œuvre romanesque.
Dans Mémoires secrets d'un valet de cœur, André. devenue Dédée, s'assume totalement sous cette nouvelle identité, même si dans la France des années 1910, la seule manière qu'il-elle a de gagner sa vie, c'est d'être prostituée dans une maison spécialisée pour des pensionnaires et des clients comme lui ou elle, va-t-en savoir. Donc Dédée assume totalement son identité et, même si le métier lui pèse un peu, si elle tombe amoureuse d'un homme qui lui fait la cour sans savoir le secret qu'elle porte, elle traverse la vie avec une gaieté que le style enjoué et nerveux de Brigitte Aubert rend bien. Mais cela n'en ferait qu'un roman historique (peuplé de clins d'œil avec le passage dans le bordel d'un certain Marcel Proust) un peu anodin, si le destin n'apportait son lot de crimes. En effet, un beau matin, on découvre l'un des pensionnaires de la maison close exsangue et émasculé. Est-ce une vengeance ou le début d'une série ? Dédée, qui veut mener l'enquête, va faire un lien avec une vieille dame patronnesse assassinée, chercher les indices avec un médecin légiste qui, accessoirement, est l'amant de Nijinski, et en s'appuyant sur l'aide du commissaire de police (qui profite de temps en temps du confort des lits et des pensionnaires de la maison) et de son propre frère, petit marlou que l'on croirait sorti des chansons d'Aristide Bruant, mélange de gouaille parisienne et de morgue canaille.
Servi par un arrière-plan historique reconstitué avec soin, par des détails sur la mentalité et les plaisirs de l'époque, de petits rappels bienvenus, le roman, à travers une série de rebondissements menés avec entrain, ne se laisse pas facilement quitter. Aucune morale ni prêchi-prêcha dans un sens ou l'autre, les personnages semblent vivre leur vie comme ils souhaitent (même si c'est difficile et si l'on comprend à travers quelques acteurs secondaire du roman que les destins des transgenres ne sont pas aussi flamboyants que celui de Dédée), la part policière permettant de créer du mouvement et de présenter une coupe de la société française insouciante de la grande boucherie qui s'annonce. Dans une œuvre conséquente et souvent très intéressante, Mémoires secrets d'un valet de cœur se hisse parmi les romans les plus prenants de Brigitte Aubert.
Citation
Une vraie bête de cirque, voilà ce que j'étais, et mes meilleurs amis soupçonnaient l'homme que j'aimais d'être un tueur de phénomènes.