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La Revanche de la guillotine : l'affaire Carrein
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La peine de mort en questions
En septembre 1977, la dernière exécution capitale en France fut celle d'Hamida Jandoubi, "proxénète tunisien handicapé, tortionnaire et assassin d'une jeune femme qui refusait de se prostituer pour lui". Mais ce ne fut pas la dernière condamnation à mort : il y en aura huit rien qu'entre octobre 1980 et juin 1981. "Seule l'abolition mettra fin à cette sorte de renaissance de la peine capitale." Luc Briand, magistrat de quarante ans, s'est intéressé à l'avant-dernière exécution en juin 1977 : celle de Jérôme Carrein "un vagabond alcoolique qui étrangle et noie une fillette de huit ans après avoir tenté de la violer" à Palluel, petite ville du Pas-de-Calais. Dans un récit très structuré au style qui évite les tirades et l'empathie pesante, l'auteur nous conte le parcours terrible de Carrein et les circonstances qui l'ont amené à tuer la jeune Cathy Petit, fille de la propriétaire d'un bistrot où il passait son temps. Son deuxième procès en assises, après une condamnation à mort au premier, se retrouve directement lié à celui de Patrick Henry, étrangleur d'enfant lui aussi. Henry a défrayé la chronique avec ses apparitions télévisuelles alors qu'il avait demandé une rançon et que le corps était sous son lit. Grâce à la plaidoirie de Robert Badinter, il sauve sa tête et est condamné à la perpétuité... Carrein a-t-il subi le contrecoup de cette révolution morale ? À la plaidoirie de l'avocat Badinter contre la peine de mort lors du procès Henry, répond celle de l'avocat général Louis Le Flem pour la peine de mort lors du procès Carrein. "L'Affaire Carrein est parfaitement caractéristique du crépuscule de la peine de mort en France. Plus la fin de la guillotine apparaît proche, plus ses partisans, en réaction, essaient d'obtenir de telles condamnations."
Grâce à une habile peinture de la société populaire dans le Nord au milieu des années 1970, mais aussi à des témoignages et des citations de journalistes ou de politiques, Luc Briand dresse un portrait de la France alors très majoritairement favorable à la peine capitale. Outre tout le passé de Carrein (marié à dix-neuf ans, alcoolique et violent, il a eu six enfants), l'auteur n'oublie pas de résumer les principales affaires de l'époque dont celles de Christian Ranucci, Patrick Henry ou Bernard Pesquet. Le président Giscard d'Estaing commuant certaines condamnations et pas d'autres, personnifie l'hésitation politique. Il a refusé de rencontrer l'auteur mais celui-ci a pu interroger Robert Badinter, ainsi que le juge d'instruction, les gendarmes chargés de l'enquête et même le fils du bourreau, ce qui conduit, à la fin de l'ouvrage, à un intéressant récit sur l'historique et la position du bourreau au sein de la population et de l'administration. Bénéficiant d'une dérogation exceptionnelle en raison de son métier, Luc Briand a eu aussi accès à la consultation des archives du Conseil supérieur de la magistrature. Son récit est riche et poignant. Jamais pesant. Il a le mérite de replacer cette affaire dans son contexte social et politique tout en respectant les aspects humains. Un excellent travail.
Citation
La mère de Carrein demande à voir son fils une dernière fois. Après un premier refus, le président de la cour d'assises finit par accepter et Mme Carrein peut finalement étreindre son fils pendant quelques instants, dans les geôles.