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Grand format
Réédition
Tout public
288 p. ; 22 x 14 cm
ISBN 978-2-35068-614-1
Coll. "Polar fantastique"
Ours pas en peluche
Il y a parfois des choses étranges dans la vie d'un notuleur : pour la troisième fois, je lis ce roman, dans trois éditions différentes (et je ne parle pas de la version en anglais), et à chaque fois, même si je commence un peu à me souvenir de l'histoire, le charme agit toujours. Peut-être est-ce dû au sujet qui mélange du polar classique et des éléments surnaturels. Raynat est un petit village à l'écart de tout situé dans les Pyrénées où tous se connaissent et se surveillent. Arnaud, un enfant du coin parti faire carrière à Paris, revient y vivre le temps de faire une pause. À peine est-il arrivé que des événements mystérieux troublent la région : des morts suspectes et l'assassin semble être un ours. Un défenseur des animaux vient et s'oppose aux indigènes, et se pose donc la question cruciale : faut-il chasser et tuer l'ours ou au contraire se servir de lui pour créer un parc animalier qui attirera des touristes ? En même temps, l'atmosphère s'apesantit car, en approfondissant ses recherches, le citadin revenu aux racines découvre que la vieille femme qui l'a élevé avait un mari montreur d'ours, et qu'elle achète beaucoup de miel. Quand, en plus, dans l'église, un accident met à jour une tombe qui semble montrer qu'autrefois se tenait dans le village un culte rendu à un dieu orus, les choses deviennent encore un peu plus compliquées. Comme ce dieu ours a le mauvais goût de vouloir tester sexuellement ses prêtresses, j'ai vu passer chez une consœur, qu'il était difficile de lire un roman faisant l'apologie de la zoophilie. J'avoue que cet façon de voir m'avait échappé et que je vais regarder d'un œil nouveau les mythes grecs. De même, je ne saurai que trop conseiller aux amateurs d'aller jeter un (autre) œil sur le livre de Michel Pastoureau L'ours. Histoire d'un roi déchu.
Revenons à l'intrigue de Philippe Ward. Le village se transforme d'un élément de décor à la Agatha Christie pour crime campagnard en terrain ancestral et fantastique, fantasmatique d'une religion oubliée, préhistorique, mais qui survivrait, dédiée à un dieu ours (Philippe Ward évoquera une autre religion du même genre avec un taureau divin dans un polar plus récent). Servi par une écriture classique et limpide qui fait parfaitement comprendre les enjeux, décrit bien les personnages en même temps qu'il laisse planer des zones d'ombre et de doute, utilisant de manière efficace des flashbacks pour montrer le passé du village et de ce dieu-ours, (un des flashbacks faisant même référence à un détective de l'occulte qui eut son heure de gloire littéraire il y a quelques décennies), Philippe Ward construit son histoire avec soin, une histoire centrée autour de quelques personnages un peu stéréotypés (mais, après tout, avec des fanatiques et une secte, peut-on vraiment parler de libre arbitre et de personnages ambigus ?). En tout cas, malgré cette nouvelle lecture, et bien que je me souvenais encore des précédentes, le rythme et l'écriture m'ont replongé dans le roman comme si c'était une première fois, avec la volonté de continuer rapidement pour savoir la suite (!). C'est à ça que l'on reconnait l'efficacité d'un roman, et celui-là l'est bougrement.
Citation
Arnaud eut brusquement pitié de l'animal, pourtant il devait le tuer. Ses yeux plongèrent dans ceux de l'ours.