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Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais (Malaisie) par Thibaud Eliroff
Paris : HarperCollins France, janvier 2018
428 p. ; 23 x 14 cm
ISBN 979-10-339-0042-9
Coll. "HarperCollins Noir"
Mémoire en cage
Dans ce monde pourtant semblable aux autres, la mémoire à long terme n'est plus qu'une utopie. L'univers se partage en duos, dont les souvenirs remontent à quarante-huit heures, et en monos, qui eux se contentent de vingt-quatre heures. Inutile de dire que les seconds sont l'objet d'un ostracisme profondément ancré... Pour tenter de mettre de l'ordre dans sa vie, tout le monde tient un journal relatant jour après jour ses faits et gestes. L'auteur à succès Mark Henry Evans est l'un des rares duos à avoir épousé Claire, une mono. Or, un beau jour, un policier accuse Mark d'avoir assassiné sa maîtresse Sophia Alyssa Ayling, retrouvée noyée à la Virginia Wolfe dans un cours d'eau voisin. Une maîtresse qui entretenait une haine incoercible envers Mark... Mais pourquoi vouloir à ce point détruire un homme ? Lorsque la vérité se limite à des carnets manuscrits que tout le monde peut modifier, où est la réalité ? Et pourtant, c'est cette réalité discutable qui peut accabler ou innocenter un accusé...
Enfin un roman qui sort quelque peu du ronron habituel ! Car on a affaire à un judicieux mélange de genre qui est à la fois un bon policier British préférant la petite musique psychologique aux grandes orgues, évoquant les réussites du duo (de plus de quarante-huit heures !) Nicci French. Mais il s'agit aussi d'un roman de science-fiction (puisque l'absence de mémoire a une justification scientifique allusive) très satisfaisant : loin d'être un gadget, on explore par petite touches, extraits de journaux et de communications, les conséquences d'un tel mal, conséquences sociales avant tout (roman British oblige) avec ces nombreuses ségrégations dont font l'objet les monos. La métaphore sur la différence se fait à la fois évidente et assez subtile pour ménager l'intelligence du lecteur. Mais on touche également à ce qui fait la substance même du policier : la recherche de la vérité, menée par un inspecteur à la ténacité presque dérangeante, dans un monde où le souvenir n'existe que sous la forme de carnets ! La construction chorale prend ici tout son sens, notamment le point de vue de cette Sophia dont les pages suintent la haine et la rancœur. La conclusion glaçante est à la hauteur, sans grand point d'orgue ou poursuite tonitruante, mais qui, sans déflorer, en fait un grand récit de vengeance, moins contre un homme (jouant assez intelligemment de la doxa qui veut que tout mari est forcément coupable de quelque chose) que contre la vie elle-même. Un roman qui ne prend pas le lecteur pour un débile, encore plus intelligemment conçu qu'il n'en a l'air, à la traduction irréprochable. Que demander de plus ?
Citation
Donner l'impression qu'on est malade dans un hôpital n'est pas une bonne idée. Un peu comme d'avoir l'air coupable dans un tribunal.