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La Photographie de Lucerne
Grand format
Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Pierre Bondil
Paris : Rivages, février 2018
416 p. ; 23 x 16 cm
ISBN 978-2-7436-4243-3
Coll. "Thriller"
Coup de fouet dans le désir
Sans le savoir, vous connaissez sans doute la photographie de Lucerne. En effet, il s'agit d'une vieille photo en noir et blanc représentant Lou-Andréas Salomé tenant un fouet et assise sur une sorte de charrette que tirent Paul Ree et Frédéric Nietzsche. Cette photo, sans doute voulue par Nietzsche lui-même reste encore aujourd'hui extrêmement mystérieuse. De nombreuses interprétations existent sur son sens caché et la vie des protagonistes a encore ajouté aux questions qu'elle soulève. Aujourd'hui, elle va encore poser des questions à la jeune Tess, l'héroïne de ce nouveau roman de William Bayer. Cette dernière est une artiste performeuse qui vient de s'installer dans un nouvel appartement qu'a libérée contre son gré une dominatrice sado-maso retrouvée morte assassinée. Quelques temps avant sa mort, celle-ci aurait vendu toutes ses affaires et aurait fui l'appartement. Pourquoi ? Est-ce en raison d'un client indélicat ? Les choses se compliquent pour Tess lorsqu'elle découvre dans le coffre-fort de la morte une photo qui reprend la photo de Lucerne. L'enquête passe alors aussi par la vie de Lou et de sa rencontre juste avant la Première Guerre mondiale avec un jeune peintre qui lui aurait offert une autre version de la photo redessinée par ses soins et aux ambitions beaucoup plus pornographiques.
William Bayer a à présent une œuvre importante où le polar joue aussi sur des ressorts psychologiques ou psychanalytiques. Ici c'est une photo qui joue le rôle de déclencheur, une image qui réactive des fantasmes. Tess au centre de l'intrigue passe son temps à percer le secret de la vie et la mort de l'ancienne locataire, à préparer son prochain spectacle et à essayer de démêler sa propre vie avec son psychanalyste. L'auteur maintient le suspense de manière classique en insérant deux intrigues parallèles : la rencontre entre Lou Andréas Salomé et un artiste (dont les connaisseurs trouvent vite le nom : un peintre amateur et frustré dans le Vienne d'avant la Première Guerre mondiale), l'enquête menée autour d'un nazi qui devient lui aussi psychanalyste pour découvrir les secrets des ennemis du Reich.
De nombreuses fausses pistes sont proposées car William Bayer connaît son métier. Il réussit de nouveau à lier une intrigue policière à ses préoccupations propres : esthétique, psychanalyse, littérature. Il donne envie d'en savoir plus afin de connaître les personnages réels ou fictifs de son roman. Autant Tess a envie d'en savoir plus sur la dominatrice, autant le lecteur est attentif à la description donnée de la vie tumultueuse de Lou Andréas Salomé. Polar de qualité, jouant sur l'intellect, sur les frustrations, sur le monde du sado-masochisme raconté de manière presque normale (ce sont surtout ceux qui veulent se cacher ou bien qui ont honte de ce qu'ils font qui sont vraiment les misérables du livre), La Photographie de Lucerne fait partie de ces romans noirs qui ne flattent jamais les bas instincts mais élèvent les lecteurs.
Citation
J'ai toujours été attirée par la décadence et la perversité, et j'en ai fait le sujet de mon art.