Nuit sans fin

J'aurais presque envie de dire morts et bien morts, car le verbe mourir semble incorrect, incomplet, faible devant les faits. Les cadavres furent samplés, mixés dans la musique de la rue qu'Ef-Pé et ses comparses miliciens avaient sinistrement produite."
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Roman - Policier

Nuit sans fin

Social - Tueur en série - Vengeance MAJ vendredi 18 mai 2018

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 24 €

Douglas Preston & Lincoln Child
City of Endless Night - 2017
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Sebastian Danchin
Paris : Archipel, avril 2018
380 p. ; 24 x 16 cm
ISBN 978-2-8098-2406-3
Coll. "Suspense"

Decapitus interruptus

Sale affaire pour Vincent D'Agosta et Aloysus Pendergast car, à quelques jours de Noël, on retrouve dans une ruelle de New York un cadavre décapité vite identifié : il s'agit de Grace Ozmian, fille du milliardaire Anton Ozmian, un génie de l'informatique. Sauf qu'on l'a étêtée vingt-quatre heures après sa mort ! L'assassin serait-il revenu pour mutiler le cadavre et emporter la tête ? Où est-ce un tiers qui a commis le second forfait ? Mais alors dans quel but ? L'assassin s'en prend alors à un avocat véreux malgré son système de sécurité sophistiqué. Un journaliste, Harriman, découvre que Grace Ozmian a tué un enfant quelques mois plus tôt alors qu'elle roulait en état d'ébriété ; l'argent de papa a étouffé l'affaire. Il publie alors un article à charge contre Grace qui met Ozmian en rage et le décide à détruire le journaliste. L'enquête s'oriente vers le père de la jeune victime, dont la vie s'est effondrée, mais son alibi se tient. D'autres victimes du tueur, que l'on surnomme vite Le Décapiteur, semblent avoir pour point en commun d'être des personnages peu recommandables... Du moins jusqu'à ce qu'il s'en prenne à une représentante de l'Onu. Pendergast et d'Agosta ont beau fouiller dans le passé de la victime, celle-ci était une véritable sainte. Quel pourrait être le rapport avec le meurtre initial ? Comment arrêter un assassin qui semble avoir un modus operandi, mais pas de mobile ?
Un "Pendergast" qui renoue au polar, cette fois sans éléments fantastiques (La Cité de la nuit éternelle est une citation dans les articles du journaliste de l'histoire, soit New York sous occupation d'un meurtrier), juste un mystère rondement mené où l'intelligence joue plus que la force brute. Avec ce criminel diabolique, cette ville sous emprise, ce journaliste débrouillard et ce final à grand spectacle, les auteurs démontrent une fois de plus leur filiation directe avec les feuilletonistes de la grande époque. Des feuilletonistes qui auraient un souci de crédibilité, puisque tout s'enchaîne logiquement, faisant oublier quelques facilités inhérentes au genre (heureusement que quelqu'un a laissé traîner certaines archives de certain hôpital désaffecté juste au bon endroit...). On se prend au jeu de bonne grâce dans cette enquête suivant la formule éprouvée du marabout-d'ficelle, où les enjeux sont clairement posés dès le départ, et l'énigme bien entretenue sur les mobiles des crimes qui semblent se contredire, même si comme souvent avec Douglas Preston et Lincoln Child, la résolution (logique) relève d'un autre archétype de la fiction populaire — sauf qu'il est impossible de dire lequel sans déflorer ! Pendergast y apparaît toujours aussi énigmatique, mais moins omniscient que dans certaines aventures précédentes, surtout mis face à un adversaire qui s'avère son égal au niveau intellectuel, capable de déjouer ses tours pour en inventer d'autres. Tout n'est pas rose : quelques passages sont elliptiques (comment Harriman, piégé en beauté, a-t-il été exonéré ? Pourquoi avoir fait une fausse empreinte de caméra de sécurité visant à faire accuser un sous-fifre aussitôt innocenté, puisqu'il a un alibi en béton ? Etc.) et un développement pas vraiment utile sur un ex-jésuite profitant de l'histoire pour émuler le "bûcher des vanités" de Savonarole permet de se demander ce que les auteurs voulaient dire exactement, surtout lorsque les parallèles avec "Occupy Wall Street" sont bien soulignés. N'empêche : le plaisir de lecture est bien là sans que le lecteur soit pris pour un idiot, ce qui, en ces temps de sous-Patterson écrits à la mitraillette sans trop se soucier de vraisemblance, est toujours appréciable. On finit par se demander si ces deux diables d'hommes sont vraiment génétiquement capables d'écrire un mauvais roman...

Citation

Le tueur traversa la plage au pas de course et remonta le brise-lame sur toute sa longueur jusqu'à la petite vedette qui l'attendait, dissimulée entre deux rochers, son moteur à quatre temps au ralenti. Il jeta au fond du bateau le sac à dos qui s'était alourdi au cours de son expédition, puis il monta dans l'esquif, mit les gaz et s'éloigna sur les eaux agitées de l'Atlantique. Tout en s'enfonçant dans la nuit, il sourit à l'idée de la tête que feraient les flics en découvrant sa petite mise en scène.

Rédacteur: Thomas Bauduret vendredi 18 mai 2018
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