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Grand format
Inédit
Tout public
220 p. ; 22 x 15 cm
ISBN 978-2-02-138409-3
Coll. "Cadre noir"
La vie dans les marges des bois
Il existe toute un pan de la littérature noire qui ne va pas construire de grandes machines explicatives du monde, lancées dans une course poursuite haletante, peuplées de coups de feu et de volontés politiques, brassant le monde comme un fétu de paille. À côté, il y a des écrivains plus intimistes, des auteurs qui se soucient du détail, du petit quotidien, de la vie intime et intense des gens. D'une part, des écrivains qui décrivent un pays ou une société, qui fabriquent de grandes villes, et de l'autre, des romanciers qui montent de petites cabanes dans les bois, qui tentent de faire un pas de côté. Il est très symbolique que Scalp, premier roman de Cyril Herry, raconte aussi cette volonté. Alex, son personnage, n'a pas supporté la vie sociale et ses enjeux. Il a lutté dans ce que nous appelons aujourd'hui les ZAD, avec une volonté écologiste. Il s'est posé dans une communauté, le temps d'avoir un enfant, Hans, avec Teresa, puis est parti. Depuis, il vit caché et tranquillement dans une cabane qu'il a aménagé à proximité d'un lac, à l'instar de Henry David Thoreau. Des années plus tard, Teresa décide d'emmener Hans rencontrer ce père qu'il ne connaît pas. À peine arrivée à proximité de sa cabane, elle ne découvre qu'une hutte vide. Elle décide d'attendre alors que son fils, Hans, se promène dans le coin et est malmené par quelques enfants locaux. Elle attend le retour d'Alex, qui comme Godot, ne reviendra pas. Pourtant, il y a bien une ombre, une silhouette, aperçue au loin, autour du plan d'eau, comme un père absent ou fantomatique ou refusant de se mêler de ce monde.
Très resserré autour de cette tente, à laquelle on revient toujours, le destin du garçon va se fabriquer. Comme une fiction rousseauiste, sur la bonté de la nature, de l'homme vivant dans un cadre sain, Scalp décrit comment cette nature est, en même temps, indifférente, occupée de son long terme, sans souci de ses fourmis humaines qui s'agitent. Scalp, servi par une écriture précise, minutieuse, à hauteur d'homme ou d'enfant, comme un western minimaliste revisité par un Pierre Pelot en pleine forme, évoque un huis-clos à ciel ouvert, l'ombre d'un personnage disparu, la constitution d'un enfant qui doit composer avec les soubresauts d'un univers qui ne s'occupe pas de lui, sur l'impasse, peut-être, des marginaux coupés de la société et qui ne peuvent s'y réinsérer facilement, car le monde a continué sans eux. Cela permet à Cyril Herry de dresser un portrait sensible d'une génération, de gens qui ont cru en des rêves de solidarité et de fraternité, de vie plus saine, et y ont laissé beaucoup d'illusions, pour eux et leurs proches, et peut-être encore plus que des illusions, ce que les habitants du village où s'est installé Alex, entre indifférence et hostilité, symbolisent bien.
Citation
La lande dévastée couvrirait des hectares envahis d'amas de branches exsangues, d'empreintes d'engins géants, de souches d'arbres abattus, évacués. Le champ de bataille s'étirerait à perte de vue sous les nuages où plusieurs grands oiseaux dessineraient des cercles.