Contenu
Affaires de famille : immersion au sein d'une brigade spéciale
Grand format
Inédit
Tout public
320 p. ; 22 x 14 cm
ISBN 978-2-7491-5869-3
Coll. "Document"
Dures procédures
Voilà un document exceptionnel. L'auteure est photographiée en couverture. Belle, jeune, regard décidé, longue crinière ramenée sur son épaule, jean, un cuir, quelques bijoux d'argent... Mais le plus visible dans ce portrait aux tons froids, est son brassard orange fluo barré du mot "POLICE". Un avenir d'héroïne de série TV ? Agnès Naudin est capitaine au sein de la Brigade territoriale de la Protection de la Famille (BTPF) et elle va nous raconter, sous forme de journal s'étendant sur trois saisons de l'année, trois cas qu'elle a eu à traiter. On commence par une affaire de bébé secoué qui en est mort. D'emblée, Agnès Naudin frappe fort par son style simple, net et précis sans fioriture qui permet de se plonger (à notre corps défendant) dans l'horrible siphon qui va aspirer la vie, non seulement des parents et de la nourrice, mais aussi de leur entourage. La grande force de l'auteure est de retranscrire les dialogues des interrogatoires et, par là même, de mettre à jour la stratégie des enquêteurs et celle des interrogés. Or, notre capitaine, tout comme ses collègues, possède une redoutable dialectique basée sur le fait. Elle répète ses questions sous forme différente, à chaque fois plus précise mais aussi plus ouverte afin de permettre au coupable de s'y engouffrer enfin pour effleurer l'aveu, avant de basculer bientôt dans la vérité.
Dès le départ, le père de l'enfant mort, prévient notre narratrice qu'il a des problèmes psychologiques et qu'il est suivi, ce dont prend acte la flic en lui répondant qu'il a bien fait : taire ce problème aurait pu se retourner contre lui lors de l'enquête... La réaction des policières à l'autopsie du bébé et les remarques du médecin légiste noircissent encore le récit dont personne ne voudrait en savoir tant. L'interrogatoire de la nourrice est terrible. Ce fait divers n'aurait obtenu, au plus, qu'un entrefilet dans le journal. Mais là, on est au cœur du travail des flics. Au cœur du drame épouvantable qui se joue. Et il revient à Agnès Naudin d'avoir réussi à faire passer cette prise de conscience qu'il n'y a pas que le crime de sang qui compte dans la littérature et la documentation policières. La deuxième affaire concerne une jeune fille de onze ans, originaire du Congo, dont l'établissement scolaire prévient qu'elle est enceinte de sept mois. Notre capitaine soupçonne tout de suite que la jeune fille ment sur son âge. Et la mère, ment-elle aussi ? Et le beau-père accusé ? L'enquêtrice doit se montrer compétente pour démêler un tel écheveau de versions, mensonges et d'omissions. La dernière affaire est axée sur une femme qui déclare être violée depuis deux ans par son mari. Il utilise des sex-toys mais nie tout viol. Là encore, le fait est a priori sans importance dramatique, mais Agnès Naudin nous force à entrer dans l'intimité nauséeuse de ce couple par la répétition des interrogatoires qui reviennent encore et encore sur les faits. Elle n'hésite pas à intercaler des commentaires personnels dans ses interrogatoires, notamment avec le mari qui la dégoûte profondément. C'est peut-être la limite de la formule puisqu'elle a assez de talent pour faire passer ce sentiment par le seul dialogue.
En conclusion, notre capitaine démontre sa compétence à rendre compte de l'horreur vécue par les protagonistes de ces simples, mais sordides faits divers. Elle consolide le statut de victime mais aussi celui de la police. Car, elle n'oublie pas les coups de téléphone aux juges, les perquisitions glauques, la course à la montre, les interrogatoires des autres membres de la famille, ni, en parallèle, ses joies et déceptions professionnelles comme son nouvel échec au concours de commissaire.
Tout au long du récit, Agnès Naudin sort la tête de l'eau croupie en nous racontant ses escapades familiales qui permettent aussi au lecteur de souffler un peu. Elle détaille son implication dans le mouvement de la gourou Amma qui serre ses disciples entre ses bras ; ses visites à une astrologue ; ses séances quotidiennes de méditation... Autant de bouées mises en place par elle pour ne pas sombrer.
Citation
Généralement, un déferrement suppose qu'il y ait assez de preuves matérielles pour pouvoir juger. Mais la plupart de nos enquêtes sont faites d'auditions et rares sont les preuves irréfutables