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Une maison d'Aubervilliers à travers le siècle
La crise du logement oblige la narratrice à chercher de l'autre côté du périphérique. Franchissant la porte d'Aubervilliers à vélo, elle découvre aux abords du canal Saint-Denis un terrain à l'abandon avec une maison qui va le devenir. Son occupant est un étrange sculpteur sur cuir et sur le départ. Il lui reste plus de six cents kilos de harnais de la cavalerie républicaine espagnole, véritable trésor de guerre et d'histoire, qui attire les guêpes à déménager. Le sculpteur va alors commencer à raconter l'histoire de cette bâtisse aux allures "bauhaus". Sept personnes vont prendre la suite et narrer leurs vies, toutes extraordinaires en cela qu'elles fourmillent de souvenirs qui ont façonné et les gens et un pays. Avec une narratrice curieuse et chanceuse : il n'est pas donné à tout le monde d'être une oreille ; et ça ne suffit bien souvent pas pour recueillir des témoignages. Les huit témoins de la vie d'une maison ne sont pas avares de confidences et font d'emblée confiance à la narratrice qui use ses derniers RTT pour découvrir qui est le véritable propriétaire de cette propriété qui sinon va tomber dans les mains de l'État.
Didier Daeninckx est un maçon de l'identité nationale. Ici, foin de Marseillaise à siffler, chanter ou ânonner, mais l'histoire de vies avec du crime, des accidents domestiques, du cinéma, de la sueur, des talents, du banal, du moins banal. Une maison qui abrita les nationalités les plus diverses, les origines les plus extrêmes, qui se sont mélangées, qui ont pris ou pas ce qu'il y avait de bon à prendre chez les principaux occupants, qui ont donc vécu tout le siècle durant. Une maison vouée à la destruction si le narrateur la laisse en l'état - à l'État ? Car la lutte du narrateur pour retrouver le propriétaire de cette maison sonne autrement aujourd'hui en plein débat sur l'identité nationale. Comme si Didier Daeninckx, par le biais de son narrateur, luttait lui-même contre l'appropriation par l'État du bien d'autrui. Le roman est en effet une course contre la montre pour permettre à cette maison de survivre et de ne pas perdre un caractère trempé au profit d'une nouveau lieu d'habitation plus fade, plus lisse. Et si l'identité nationale se trouvait plutôt en nos souvenirs ? Le tout compté simplement mais avec talent. Cette maison permet à Didier Daeninckx de traverser un siècle riche. De nous parler de la Guerre d'Espagne, de la Seconde Guerre mondiale, du massacre d'Algériens en France - autant de thèmes qui lui sont chers ; mais aussi d'aborder Matisse, Debord, Doisneau, Madeleine Vionnet, Fernandel et tant d'autres. On s'en prend plein les yeux, et on referme ce livre qui recèle en si peu de pages tant d'histoires et d'Histoire que l'on tient là notre ciment national... au cœur de cette banlieue tant décriée aujourd'hui et qui ici dévoile ses secrets !
Citation
Quand j'étais sortie, des bourrasques de vent balayaient le parvis du musée, faisant rouler les canettes vides, emportant les chevalets des portraitistes, les silhouettes en papier noir découpée qu'exposaient les prodiges du dessin aux ciseaux.