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Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Christine Barbaste
Paris : Delcourt, septembre 2018
334 p. ; 22 x 14 cm
Coll. "Littérature"
L'adulte sauvage
Il s'appelle Håkan Söderström et il a fui la Suède en compagnie de son frère Linus dans l'espoir de trouver un monde meilleur sur le Nouveau Continent, l'Ancien étant au bord de l'agonie. L'étape en Grande-Bretagne de ce long et hasardeux voyage a séparé les deux frères alors qu'ils devaient embarquer pour New York. Håkan débarque donc à San Francisco et n'aura de cesse de retrouver son frère et donc d'aller à New York. Celui qui n'est pas encore un colosse à la barbe hirsute, fournie et touffue ne le sait pas encore mais bien des périples le guettent tout du long de la traversée d'un étrange continent qui devient picaresque sous la plume de Hernán Díaz. Håkan, prononcez "o-a-canne" n'est qu'un adolescent quand il arrive sur la côte Est des États-Unis. Il a appris pendant la traversée quelques rudiments d'anglais, mais il va devoir être aventurier et apprendre à se jouer des codes de la société américaine ou à s'en émanciper. Hernán Díaz nous propose un étrange roman initiatique empli d'épopées. Car à travers l'histoire de Håkan, c'est bel et bien l'Histoire d'un nouveau pays construit de bric et de broc sur un étrange socle qui défile sous nos yeux. L'auteur joue lui aussi avec les codes du western. On assiste impuissant à l'emprisonnement inique de Håkan quand il tombe aux mains du gang de Clangston et qu'il devient l'esclave sexuel de la femme voilée aux gencives putrescentes. Sans le savoir, quand il réussira à s'évader, il deviendra une légende et un hors-la-loi recherché pour un massacre qu'il aura commis en état de légitime défense. Mais avant d'être le "Hawk" et d'être ce barbare légendaire, Håkan aura suivi d'autres personnages qui sont autant d'archétypes des colons des vastes étendues : une famille de fermiers, un naturaliste pour qui il sera pisteur à travers l'aridité d'un désert de sel et qui lui apprendra les gestes de chirurgie avant de lui faire don d'une valise avec ses instruments. Il sera également garde du corps d'un convoyeur de caravane filou et sauvera certaines vies indiennes avant de fuir devant de faux indiens. Là est toute l'ironie de son sort. Car à partir de ce moment, celui qui ne demandait rien à personne va devoir rendre des comptes à tout le monde. C'est un joli tour de force de Hernán Díaz que de nous proposer un personnage civilisé qui adopte la vie sauvage par contrainte, puis qui l'accueille par nécessité. Le passage où Håkan vit dans des galeries qu'il a creusées et qu'il colmate quotidiennement, s'amusant d'un rai de lumière tel un cinématographe sont de purs moments d'anthologie. Mais un personnage comme le Hawk ne peut pas rester indéfiniment en marge de la société, oublié de ses pairs qui n'ont pu le secourir. L'ironie cruelle que n'hésite décidemment pas à manier Hernán Díaz fait que ce sont des fuyards qui le contraindront à fuir de nouveau, et à endosser encore une fois son étrange costume de légende, son manteau lion comme il l'appelle, et reprendre ses maigres possessions : une boussole et sa trousse de médecin pour un dernier périple. Voilà une aventure à la fois émouvante et prenante.
Citation
Håkan avait l'impression de distinguer leur odeur. Celle de la puanteur humaine. À quelle brutalité allait-il être soumis ? Car ces hommes étaient de l'engeance des sauvages et des cruels – il le voyait à leurs cicatrices, il l'entendait à leurs ricanements et, surtout, il le pressentait à leur calme – le calme de ceux qui savent pouvoir compter sur la violence absolue.