Contenu
Mauvaises nouvelles du front
Grand format
Inédit
Tout public
Postface de Hugues Pagan
Paris : Rivages, novembre 2018
286 p. ; 20 x 12 cm
ISBN 978-2-7436-4547-2
Coll. "Noir"
Bonnes nouvelles de Pagan
Hugues Pagan est un franc-tireur. Il mène sa vie comme il l'entend, non pas comme une carrière, mais plutôt comme une série d'obligations. Il a placé la barre très haute, dans son travail ou dans sa vie professionnelle, et c'est à la réalité de monter au niveau de son exigence. Autant dire que cela lui a permis de construire une œuvre singulière, âpre, sans concessions à l'air du temps, basée entre autres sur son expérience de policier (un métier qu'il exerça quelques années) mais aussi sur son sens de la littérature, et au rythme (une grande partie de l'intérêt de la série télévisée Nicolas Le Floch doit aussi à son travail soigné sur le scénario). À côté d'une grosse douzaine de romans, l'auteur a aussi signé quelques nouvelles, au gré des publications, des amitiés, des envies, des demandes. Des nouvelles qui répondent elles aussi au même souci d'exigence et de style, parfois sur des thématiques casse-gueule, mais dont Hugues Pagan, se sort, comme un chat qui retombe toujours sur ses quatre pattes et frétillant. Est-ce par hasard que son patronyme signifie en anglais le païen ? Cela expliquerait peut-être deux nouvelles, empreintes d'ironie glacée, de mélange entre désespoir foncier et humour cinglant, voire kafkaïen. Deux nouvelles construites presque sur le même schéma : un coupable potentiel, un fauteur de troubles à l'ordre public, se retrouve au commissariat pour une affaire un peu sombre. Dans le premier cas, il s'agit du père Noël, coincé en pleine tournée, et surtout en pleine ébriété. Dans le second cas, le suspect qui arrive dans les locaux est soupçonné d'avoir marché sur l'eau, après qu'un dromadaire ait été retrouvé mort en plein milieu d'un arrondissement de Paris. Les autres nouvelles s'inscrivent, elles aussi, dans le ton d'Hugues Pagan : soin humaniste pour dessiner les personnages, pour présenter l'absurdité du monde, comme ces compagnies de CRS dont l'entraînement est poussé jusqu'au-boutisme, ambiances froides, venteuses où tous les espoirs se noient (est-ce une bizarrerie si une histoire se passe à Ostende, riante bourgade du nord ?), une star de cinéma qui disparaît et son mari de producteur qui cherche à la retrouver des années plus tard, sur fond de whisky et de Billy Holliday, une île où l'on découvre des cadavres mais la solution est plus dans le fantastique que dans une enquête de terrain, enfin l'enterrement d'un collègue. Si l'on prend par exemple "Vampires", on a une nouvelle qui met en scène un ancien flic, devenu voltairien, et qui cultive son jardin. Son ancien chef vient le voir pour l'aider à pourchasser des vampires qui seraient cachés à Royan. L'ancien flic et son ami, surnommé le Viking, acceptent la mission pour de l'argent mais prendront pitié des "vampires" et les sauveront. On oscille entre cynisme des paroles et volonté de ne pas s'acoquiner avec la vulgarité du monde, par goût de l'humanité et des valeurs, par défi et gloriole. Bref, c'est avec le panache des "héros" de polars. Tout le recueil est à l'image de cette histoire, entre poésie, parabole, goût du funambulisme, éloge d'une vie en accord avec soi-même, dégoût d'un monde trop souvent laissé aux brutes. Les nouvelles du front ne sont pas forcément réjouissantes car souvent l'on y perd, mais quand gagner devient une faute de goût, autant perdre, mais avec un verre et un ami à portée de mains.
NdR - Le recueil comporte les nouvelles suivantes : "Mauvaises nouvelles du front", "Ostende", "C.E.I.", "Tu ne te feras pas prendre", "On ferme au noir", "À la potagère", "Préface", "Tout le monde s'en branle", "Vampires", "Walkman" & "Wabash blues".
Citation
À l'automne, des feuilles mortes lui avaient recouvert le crâne. Le vent de novembre les avait chassées. Maintenant, il y avait des voitures de flics et des gyrophares. Comme des oiseaux de mer, à battre dans la nuit autour et dans la pluie.