Contenu
Grand format
Inédit
Tout public
288 p. ; 19 x 13 cm
ISBN 978-2-37047-104-8
Coll. "Roman policier, mais pas que"
Le retour du père
Gabriel Sacco dit Gab a perdu l'habitude de penser, de poser des questions et de faire autre chose que ce que monsieur Garbo lui demande de faire. D'ailleurs pour poser des questions à monsieur Garbo, il faudrait vouer un vrai culte au mode interrogatif. Premièrement parce que monsieur Garbo a horreur qu'on lui pose des questions, d'autant plus quand on se trouve être son employé. Deuxièmement parce que quand le boulot est aussi répétitif, y a pas besoin d'oublier les règles du Monopoly pour faire de la place à de nouvelles infos. Le job, il est tellement simple qu'on qualifie ceux qui le font de gorilles. C'est peut-être prendre ce magnifique animal pour plus con qu'il ne l'est, allez savoir ? Toujours est-il qu'au début de l'histoire, Gabriel (qui n'a rien d'un ange) doit aller secouer les puces d'un gus qui tarde à s'acquitter de sa dette de jeu. Monsieur Garbo tient un clandé. "Malheureux aux jeux, malheureux tout court." Pas de pot, Gab file tellement les miques au quidam que celui-ci se rétame en creusant ce qu'il croit être sa tombe (comme quoi, ça fait toujours son petit effet). Le pauvre con était un émotif et son cœur a lâché net. Gab se retrouve avec un cadavre sur les bras, un mal de dos de plus en plus persistant pour lequel les médocs sont de moins en moins efficaces, et une dispute en suspens avec Laura, femme mariée, avec qui il entretient une liaison depuis plusieurs mois. Tout ça pour dire que quand il est de retour au cercle avec un cadavre (qui ne pourra plus jamais rien rembourser) dans le coffre de sa bagnole, il n'en mène pas large le Gabriel. Heureusement, il a la confiance de son patron. Monsieur Garbo ne se fend pas la poire, c'est pas le genre, mais tout ce qui s'est passé il n'en fait pas un drame. Il demande juste à Gabriel d'aller porter le mort chez le fossoyeur, un magicien qui a l'habitude de faire disparaître les mauvais tours du destin. C'est en quittant le cercle pour les pompes funèbres que Gabriel remarque Alexandre dit Alex Vitali dans la salle de jeux. Alex Vitali est un petit con qui perd gros aux jeux, mais c'est surtout le fils d'un sénateur. Gabriel s'en cogne, ce n'est pas son problème, et ce n'est pas à un gorille de vider un "fils de". Monsieur Garbo devra se déplacer et mettre les formes. Le reste de la nuit est plus cool. Le cadavre part en fumée et le mal de dos se calme un peu. Le lendemain, en revanche, ne commence pas spécialement sur l'air de la Mélodie du bonheur. Ça serait plutôt un vaudeville. Enfin, ça le serait si ce n'était pas si dramatique. Laura est dans le coma suite à un accident, et c'est son mari lui-même qui prévient l'amant, autrement dit Gabriel. Déjà, rien que ça... Mais c'est pas tout : Alex Vitali réapparaît (si on peut dire) sur un écran de télé. Les infos parlent de lui parce que le fils du sénateur a mystérieusement disparu. Y a même sa petite amie qui chiale. Elle s'appelle Manon. Manon Sacco. C'est la fille de Gabriel. La fille dont il n'a plus de nouvelle depuis trois ans. Le gorille n'en croit pas ses yeux. Et pour la première fois depuis longtemps il se met à se poser des questions.
Polar énergique écrit à la deuxième personne du singulier, Rafale de Marc Falvo, publié chez Lajouanie, nous offre plusieurs originalités. D'abord, cette forme de récit, tutoiement du personnage central envers lui-même (à la façon de Charlie Koller, alias Charles Aznavour, dans Tirez sur le pianiste de François Truffaut, adaptation du roman de David Goodis... Impossible de me souvenir si dans le roman de Goodis le personnage se tutoie. Si vous avez la réponse, vous pouvez écrire à k-libre et gagner un voyage pour deux à Wasquehal en plein mois de décembre, le tout offert par Julien Védrenne si vous répondez avant le 18 avril 2019, le cachet de la poste faisant foi). Bref, grâce à ce procédé, on ne suit pas Gabriel Sacco, on est Gabriel Sacco. Ensuite, la nature du personnage, plus, pour ne pas dire pire, qu'un anti-héros, un gorille (aucun lien avec le Géo Paquet d'Antoine Dominique), une brute épaisse dont la fonction d'armoire normande ne prête guère à entamer sur le tard (il a la quarantaine bien sonnée) une carrière de détective privé. Mais le plus intéressant est le décalage entre le style incisif, cash, mandalien (qui vient de la mandale, c'est-à-dire directement dans ta gueule), qui va directement à l'essentiel comme y va un homme de main payé pour exécuter un ordre bête et méchant, et l'évolution de ce même homme de main qui petit à petit réapprend non seulement à se servir de ses neurones, mais également à se laisser envahir par des émotions et des sentiments dont il ne pensait plus être pourvus. Polar de facture classique en apparence, Rafale est en réalité une petite pépite pour qui aime les romans où le profil psychologique du personnage principal, en constante évolution, dame le pion à l'enquête en elle-même. Ici, L'Homme nu, si cher à Georges Simenon, qui se réveille un matin et qui sans maîtriser ni le comment, ni le pourquoi décide (consciemment ou non) d'aller au bout de lui-même, n'est pas loin.
Citation
Ces retrouvailles téléphoniques avec ta fille ne se sont pas du tout passées tel que tu l'aurais voulu... Elles ont été marquées par la précipitation et le besoin d'efficacité. Sans finesse. Sans chaleur. En vérité, elles ont ressemblé à ce qu'étaient devenus vos rapports sur la fin. Avant la grande coupure. Ce qui t'étonne, au fond, est d'avoir pu penser un instant que ça se passerait autrement.