Contenu
Grand format
Inédit
Tout public
350 p. ; 21 x 15 cm
ISBN 978-2-35536-321-4
Coll. "Romans noirs"
Dionysos et Apollon
Dans un vallon reculé d'une région reculée (le Vercors), il existe une maison isolée. Dans cette maison, un couple d'artistes, Krim et Ceril, qui ont une conception très pointue de leur art. Enfermés dans cette maison, ils commencent par détruire lentement les œuvres d'art de Krim tandis que ce dernier est filmé justement pour prouver son détachement par rapport à cette œuvre. Mais Ceril est également entrée dans une autre sorte de conception de l'art, et il lui faut "mettre en scène" sa vie. Elle a créé des poupées grandeur nature à son effigie et dans lesquelles elle se glisse pour vivre des scènes dangereuses ou érotiques. Venant dans ce vallon pour y observer des insectes, un ancien médecin - revenu un peu amer de missions humanitaires -, commence à observer ce couple étrange puis se prend d'amitié pour eux. Un matin, alors qu'il vient saluer ses amis, il découvre Krim complètement inconscient, cuvant son vin, et des traces de sang un peu partout. Krim croit avoir trimballé une des poupées emplies de bouts de viande. A-t-il raison ? En ce cas pourquoi la belle Ceril a-t-elle disparu ? L'a-t-il tuée au milieu d'ébats sado-masos ? Qu'a-t-il brûlé dans la cour de la résidence ?
Ce n'est surement pas un hasard si dans ce deuxième roman de Philippe Rouquier le peintre et artiste Krim est d'origine coréenne. Le cinéma coréen nous a offert ces dernières années des portraits de gens de culture qui usaient et abusaient de l'alcool pour réussir à capter l'âme du monde (ou oublier son effroyable noirceur). Toujours est-il qu'il est beaucoup question de boissons et plus généralement d'addictions (à la beauté de l'art, aux nourritures, aux drogues, au sexe) dans ce récit qui ne touche qu'en périphérie aux choses du monde polar. Il y a comme deux univers qui se contemplent, comme le jeu des gendarmes et des voleurs, comme le face-à-face dans une salle d'interrogatoire. Ce n'est sans doute pas un hasard également si le début et la fin du roman se renvoient l'un l'autre avec un gendarme qui hurle à la mort répondant au peintre qui hurle de son côté. Il y a d'un côté le monde du terrien, du lourd, de la preuve et du besoin de saisir le monde dans sa réalité, qu'incarnent les forces de l'ordre, et de l'autre le flou, l'aérien, le conceptuel détaché de la froide réalité, l'artiste qui invente des meurtres pour rire, pour faire œuvre d'art, par pur concept et intellectualisation ou poétisation du monde. Même si ces deux mondes ne sont que deux facettes d'un même univers car, après tout, la recherche de la beauté de l'ordre des choses par la police vaut les abus irrationnels de la tentative de recréer le monde par l'œuvre d'art. Dans le gendarme qui se sent obligé de courir nu, comme dans le peintre et sculpteur qui rachète ses oeuvres pour les détruire comme ultime concept de sa recherche, comme dans la folie de la jeune femme qui se sent réelle quand elle se glisse dans une "peau" de poupée qui lui ressemble, comme dans ce médecin qui observe les insectes pour y découvrir les preuves du réchauffement climatique tout en se droguant, il y a comme les facettes du monde complexe, il y a de l'humain, à l'intérieur d'un roman qui, comme les films de David Lynch, par exemple, fait un pas de côté par rapport à la tradition du genre.
Citation
Le 12 octobre à 8 h 33, le gendarme Yannick Gilbert court dans une vallée perdue et repliée du Vercors. Il se dirige vers le haut d'une combe. Il est nu et hurle.