Contenu
Poche
Réédition
Tout public
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Doug Headline
Paris : Rivages, février 2012
460 p. ; 17 x 11 cm
ISBN 978-2-7436-2314-2
Coll. "Noir", 853
Mélodie en sol artificiel
Le personnage de Ray Sherwood est un saxophoniste talentueux qui fait partie de l'orchestre de Jack Donovan. L'intrigue de Rupert Holmes se déroule en 1940 et fait une halte à San Francisco. Une grande foire s'y déroule sur une île artificielle. Ray Sherwood, homme miné par un terrible coup du sort qui a fait voler son couple en éclat, se voit invité par Gail Prentice, une jeune, radieuse et virevoltante étudiante en musique, qui souhaite qu'il écrive l'arrangement d'une composition de son cru qui a gagné un concours et qui doit être jouée devant un parterre de personnalités. C'est le début d'un roman captivant sur fond d'assassinats, de manipulations en tous sens et surtout d'espionnage. Rupert Holmes est un compositeur à Broadway ce qui lui confère un certain crédit quant à la vraisemblance des sets de jazz qui parsèment le roman. Les interactions entre les différents musiciens de l'orchestre sont également très intéressantes. La plupart des musiciens sont des génies de leur instrument qui tous ont des raisons d'appartenir à cet orchestre non pas minable mais qui les limite dans leurs ambitions. La femme de Jack Donovan, vamp aguicheuse, est symptomatique du mal-être de tous ces personnages révélateurs d'une Amérique torturée qui va cahin-caha vers un conflit inéluctable. Il y a une fuite en avant permanente de tous. L'énigme commence comme un roman policier avec Marie Prasquier, une jeune femme juive française des Folies bergères (en tournée) qui demande en mariage notre héros et qui quelques minutes après se suicide en se jetant du haut d'une tour. Son corps retrouvé horriblement mutilé pourrait susciter des interrogations mais il ne fait aucun doute de son identité. La jeune femme n'arrivait pas à obtenir de visa et seul un mariage pouvait lui permettre d'éviter un retour dans la France de Pétain. L'apparition peu après de la mère de Gail Prentice et de Nancy, l'ancienne femme de Ray, dans le paysage est digne des hasards propres au roman. Ray Sherwood a déjà vécu par le passé à San Francisco. Il a eu une petite fille avec Nancy. Linney, une petite fille morte trop tôt dans des conditions dramatiques qui auraient pu être évitées. L'un et l'autre trainent leur culpabilité et leur désenchantement. Mais Ray Sherwood a déjà vécu également avant Nancy. Et toutes ces vies vont se heurter à l'intrigue de ce roman d'espionnage. Vont se confronter des générations d'émigrés allemands, des officiels japonais, un flic plutôt intègre, un vieux compositeur sur le déclin, Gail Prentice, symbole de l'innocence bafouée et manipulée, et l'entourage de cette dernière. Surtout, le roman aborde un pan de l'histoire des États-Unis par un angle intéressant : comment un pays multiethnique réagit-il à l'aune d'un conflit mondial. Comment en effet définir en 1940 le patriotisme dans une Amérique somme toute encore naissante ou en formation adolescente (et qui fait écho à l'interrogation omniprésente sur la paternité) ? Avec Swing, Rupert Holmes ne donne pas de réponse mais se permet une certaine finesse d'observation. Il nous ouvre des pistes. Surtout, il fait preuve d'un véritable talent narratif avec une intrigue enlevée qui parfois atteint des sommets dramatiques (l'attaque au monoxyde de carbone). Au final, nous avons un récit d'espionnage diabolique que n'aurait reniés ni Alfred Hitchcock, ni Fritz Lang
Citation
Maintenant, dit-il, même si de nous deux, c'est moi le détective, je ne sais pas trop quoi penser de ce que je vais vous montrer, et j'ignore si ça peut vous aider ou vous faire de la peine. Ça m'a franchement surpris, pour ne pas dire autre chose. Mais je sais que vous devez bientôt quitter la ville, et je pensais que vous voudriez tenir compte de ça pour forger les sentiments ou les idées que vous vous faites sur ce qui va se passer ensuite dans votre vie.