Contenu
Grand format
Inédit
Tout public
390 p. ; 23 x 15 cm
ISBN 978-2-501-12269-6
Coll. "Black lab"
Carpathes-sur-Seine
Merlicht est le nom d'un policier un peu plombé par la vie et qui a du mal avec sa hiérarchie. Il faut dire qu'il a un nom qui prédispose : "Mehr licht" seraient les dernières paroles qu'auraient prononcées Goethe avant de mourir, et Goethe est l'écrivain allemand qui se situe juste entre les lumières et la raison (qui pourraient s'incarner dans une police classique et scientifique), et les grandes envolées romantiques prélude au fantastique (ce qui pourrait rappeler les envolées exaltées, parfois des personnages, ou même une intrigue qui flirte justement avec des thèmes étranges et merveilleux). Tout commence avec la disparition mystérieuse d'une jeune fille. Sa mère s'inquiète même si, en fouillant son domicile, les policiers sont un peu interloqués par l'atmosphère gothique qui s'échappe de la chambre de la disparue. Quelques heures plus tard, c'est la découverte de litres de sang sur les graviers du cimetière Père-Lachaise. Merlicht décide de faire sonder la Seine pour y découvrir le corps car il imagine que la disparue est également celle qui a perdu le sang. D'après l'une de ses copines, elle aurait voulu se mettre en ménage avec un vampire !... Effarement de la police lorsque la brigade fluviale ne découvre pas dans les eaux glacées du fleuve un cadavre, mais plusieurs, et que le médecin légiste annonce que toutes les victimes ont été vidées de leur sang et qu'il a décelé des traces des canines. Pour le policier, il subsiste quand même un sérieux problème : il dispose d'une pléthore de cadavres mais pas celui de la jeune fille qu'il recherchait. Pendant ce temps, dans Paris, la rumeur de cas de vampirismes court, et la brume qui semble s'éterniser sur la Capitale ne peut que renforcer cette mauvaise impression et ce sentiment diffus de peur.
Même si le roman de Nicolas Lebel aura finalement une explication rationnelle, plus liée aux péripéties politiques qu'à une intrigue fantastique, son récit oscille entre différents pôles. D'un côté, nous allons suivre l'enquête classique d'un policier obstiné, qui se bat contre sa hiérarchie et est prêt à faire quelques entorses avec la loi, dans la pure tradition du genre. D'un autre, nous accompagnons deux personnages qui, pour des raisons diverses, essaient eux aussi de trouver la vérité et la justice mais qui, ne comprenant pas tout, se retrouvent plus dans des camps s'opposant que dans une équipe soudée. Du coup, Dans la brume écarlate offre quelques scènes intéressantes et bien menées, quelques images qui retiennent l'attention comme le décor brumeux de la ville, aux relents kafkaïens ou d'horreur à la Hammer Films Production, les expériences d'un savant fou qui croit découvrir l'immortalité et de son assistant pas beaucoup plus net que lui. Le tout crée un mélange étonnant (et qui ne prend pas totalement) entre une intrigue qui lorgne du côté de Frankenstein ou de Dracula en même temps que baignant dans une atmosphère qui se veut réaliste avec des policiers de base essayant de faire leur boulot, entre chefs pénibles, restrictions de moyens et obligation de rester - parfois - dans le cadre local.
En ne choisissant pas de directions franches, Dans la brume écarlate ressemble plus à un roman de la défunte collection "Angoisse" du Fleuve noir de la bonne période qu'à un thriller contemporain. À défaut de réussir dans l'immortalité de ses personnages, Nicolas Lebel a réussi à placer le vieux lecteur que je suis dans un bain de jouvence.
Citation
Lucie percuta un arbre surgi du brouillard, perdit une chaussure et tomba au sol, hébétée, s'empêtra un instant dans les ombres osseuses des ramures noires, se releva, reprit sa fuit aveugle, des larmes dans les yeux, traversa une ruelle en piaulant à l'aide, boitant sur son pied nu, trouva un hall d'immeuble, une porte fermée, des rangées de boutons d'Interphone, lueurs dans la nuit, pressés du plat de sa main écorchée, des anonymes qui décrochèrent, mais n'entendirent que le cri aigu et lointain d'une femme avalée par le brouillard.