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Nostalgie assassine
À un moment donné, certains auteurs des éditions de Minuit (dont Jean Echenoz ou Yves Ravey) ont décidé de s'inspirer du roman policier ou d'espionnage pour étayer le fond de leur intrigue. Avec leurs styles propres, ils ont joué sur les stéréotypes et sur les horizons d'attente du genre pour composer des œuvres intéressantes. Il y a un peu dans ce nouveau roman de Gilles Vidal un côté éditions de Minuit dans les éléments qui en façonnent la trame : un homme revient pour enquêter sur la mort de sa sœur. Officiellement cela ressemble à un accident de voiture, mais le véhicule suspect s'est enfui après plusieurs allers-retours sur le corps ce qui laisse hautement perplexe. L'homme doit accepter la policière chargée de l'enquête, mais visiblement, il est épaulé par une organisation qui a régulièrement accès à des informations extérieures et qui est prête à le soutenir en cas de vengeance. Cette partie est présentée presque de manière irréelle, comme des échos. Mais il serait vain de réduire le court roman de Gilles Vidal à cet aspect, car l'auteur est aussi un écrivain impliqué dans la vie de ses personnages, dans ces petits riens qui font qu'il faut se battre, persévérer dans son être, se coltiner avec le monde. L'œil éloigné des éditions de Minuit peut être un bon filtre, mais il ne saurait être unique regard. Par delà l'intrigue, Gilles Vidal dépeint avec soin ses deux personnages centraux, à travers une histoire classique, mais efficace. D'un côté, Félix Meyer, le frère qui revient dans la ville de son enfance à la recherche des traces de son passé, symbolisé par cette sœur écrasée et, de l'autre côté, Aurélie Costa, une policière un peu paumée, qui se cherche autant qu'elle cherche des preuves et des indices. L'intrigue est classique et épurée, mais ce sont bien les sentiments, les doutes, bref l'humanité des personnages, qui éclate, par contraste, pour asseoir un fait évident : Gilles Vidal est un auteur qui se comporte comme certains vins : il se bonifie à chaque espace temporel qui passe.
Citation
Meyer tressaillit, pensant à toutes ces tensions soudaines qui s'emparaient de lui à n'importe quel moment, des crispations venues de loin, comme des nuages chargés de malheur au-dessus d'une mare à la surface immobile.