Contenu
Vagabondes, voleuses, vicieuses
Grand format
Inédit
Public connaisseur
324 p. ; 20 x 13 cm
ISBN 979-10-252-0430-6
Coll. "Genre !"
Filles sous contrôle
Ce travail rédigé avec compétence à partir d'une thèse s'étalant sur dix ans, s'intéresse au traitement des mineures "déviantes" de 1945 à 1958. Pour cela, l'historienne Véronique Blanchard a épluché les dossiers du Tribunal des Mineures de Paris, pointant les décisions du juge pour enfants (toujours un homme siégeant avec des femmes), installé officiellement en 1945, chargé d'orienter les mineures (jusqu'à vingt et un ans à l'époque) après signalement. Cet ouvrage comprend de nombreuses lettres des mineures en question qui exposent leurs revendications et leurs histoires au juge. Elles constituent le cœur de l'ouvrage tant elles sont riches en anecdotes, considérations, aveux et souhaits. Il y aussi celles des parents qui saisissent le juge selon le droit de "correction paternelle" pour arrêter les mauvaises fréquentations de leur fille en les faisant placer dans un centre. Sans oublier les rapports fournis par les assistances sociales qui font surtout des enquêtes sur la cellule familiale, pointant les "mauvaises" mères, les pères alcooliques et violents, les logements insalubres. Et, enfin, les avis des bonnes sœurs et des éducatrices publiques... Grâce à ces différents points de vue, Véronique Blanchard enrichit son très large champ de vision sociologique, politique, économique et moral qui déborde le seul domaine de la justice, imprégnant ainsi une formidable connaissance pour cette période d'après-guerre. Impossible ici, de résumer ce superbe travail qui se lit d'une traite : les logements minuscules, les traumatismes de la guerre, l'émergence d'une jeunesse qui a soif de liberté après le gouvernement de Vichy, l'immigration, l'attrait des plaisirs de la grande ville… tout ceci contribue, avec la pauvreté, à pousser les filles à fuguer généralement après une première rencontre amoureuse ou suite à des actes de violences du père ou de la mère. Il est à noter que ce livre se place comme pendant à l'étude de Régis Revenin (directeur de la collection "Genre !") sur la prostitution des garçons mineurs à Paris à la même période. Pourtant, malgré le titre, il semble que le nombre de jeunes prostituées ou criminelles soient proportionnellement peu important. C'est sans doute pour cette raison que le traitement judiciaire entre les garçons et les filles "contrôlés" n'est pas du tout le même. Le juge, pour les mineures, apparaît souvent comme Dieu le père. Il ordonne des placements plus ou moins longs dans l'un des huit établissements publics français, ou dans l'un des vingt-trois BP (le Bon Pasteur), centres religieux beaucoup plus nombreux administrés par les religieuses. On n'y a pas le droit de converser à deux. Les groupes de filles doivent être de trois au minimum ceci afin de parer aux amitiés particulières. De fait, il semble plus que le premier désir de la société devant ces jeunes filles est de sauvegarder une virginité synonyme de morale, à charge pour le futur mari de prendre en main leur destin. "La libération de la femme est bien plus tardive que la Libération de la France. Si les femmes obtiennent le droit de vote le 21 avril 1944, elles devront patienter plus de vingt ans (1965) pour obtenir le droit de travailler sans l'autorisation de leur conjoint et pour ouvrir en leur nom propre un compte en banque." Éternelle mineure, donc.
Citation
Devant l'impossibilité de laisser ces jeunes filles en internat, le juge se tourne vers les experts ; il demande aux psychiatres leur avis.