Contenu
Grand format
Inédit
Tout public
Traduit du coréen par Lim Yeong-hee, Lucie Modde
Paris : Rivages, octobre 2019
156 p. ; 23 x 16 cm
ISBN 978-2-7436-4872-5
Coll. "Noir"
Ni scaphandre ni papillon
En 2013, le Passage du Nord-Ouest faisait paraître déjà Les Proies, un roman de Thomas Cullinan de 1966 (réédité en poche chez Rivages) dans lequel un soldat américain, blessé, durant la guerre de Sécession, se retrouvait coincé dans un pensionnat de jeunes filles. Là il allait devenir la proie des pulsions de ces jeunes filles alors qu'au départ on pouvait plus l'imaginer comme un renard jeté dans un poulailler. Ce roman avait eu une seconde vie dans un film de Don Siegel avec Clint Eastwood. Pour continuer dans la parabole cinématographique, rappelons Fenêtre sur cour, où James Stewart, le personnage central, jambe dans le plâtre, cloué sur son fauteuil, observe ses voisins et voit un crime perpétré. Ces deux références permettent de placer Le Jardin, de l'auteur coréen Hye-Young Pyun dans un cadre sans forcément s'en approcher suffisamment pour en casser le suspense. Ici, il y a un accident qui a sévèrement blessé un conducteur, et tué son épouse et passagère. Le personnage central, Ogui, est donc paralysé, muet et juste capable de cliquer de l'œil. Coincé à l'hôpital, puis à son domicile, cet homme va découvrir d'un côté la solitude et combien sa vie fut un peu vide, et de l'autre une suite de flashbacks sur sa vie d'adolescent et d'adulte, sur sa compagne et ses obsessions, sur sa vie de couple. Peu à peu, alors qu'il s'enfonce dans ses échecs, comme une suite de pelures d'oignon qui disparaissent et révèlent une nouvelle facette du personnage, le vide se fait résolument autour de lui. Mais la façon dont les événements se déroulent peut être sujette à caution. Il y a ces anciens collègues qui ne l'apprécient que très peu et qui viennent quand même le voir alors qu'il ne peut communiquer avec eux. Et puis il y a sa belle-mère qui l'a pris en charge et qui ferait le vide autour de lui. Mais alors dans quel but ?
Vu du point de vue du personnage, coincé dans une chambre, dans un lit, dans son propre corps, le récit Hye-Young Pyun joue, avec talent et force, sur cette impression de clôture, de quelqu'un qui ne peut se défendre, qui ne comprend même pas forcément tout ce qui se passe autour de lui. Quelques scènes deviennent très symboliques en montrant sa déchéance uniquement par un soin médical ou des fonctions naturelles. Court et tendu vers sa fin, le roman est d'une grande force littéraire et humaine.
Citation
La femme le retourne deux fois par jour pour prévenir les escarres, essuie son dos et le masse longuement avec une huile de la tête aux pieds en passant par les fesses. À chaque opération, elle glousse d'un air entendu.