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Tu seras si jolie...
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Inédit
Tout public
Paraître à mort...
Emmanuelle a commis le pire des crimes à notre époque : naître avec un physique quelconque, même pas ingrat, mais désespérément banal. Passée de "Manu la Grosse" à "Emma la Taupe", puis "Nunu la calculette" à cause de ses dons pour les maths, et enfin "Serpi" pour serpillère en raison de ses cheveux raides, elle monte à Paris pour se faire comptable chez Wanda, un magazine féminin. La seule tendresse qu'elle ait en ce bas-monde est celle de sa chienne Lolli, bien qu'il y ait ce séduisant médecin nommé Emmanuel qui lui sert de voisin – même s'il doit partir au Népal en mission humanitaire. Un beau jour se lance Si jolie, une émission de téléréalité visant à transformer ses candidates en beautés, ou présumées telles, grâce à de la chirurgie esthétique de pointe. Voilà que la direction de Wanda veut y envoyer Emma en infiltrée ! Une suggestion qu'elle aurait refusée si Lolli n'était pas tombée gravement malade et qu'elle ne risquerait pas la mort sans soins – coûteux, bien sûr. Emma est donc contrainte d'accepter contre une avance de jouer les espionnes, quitte à tisser une toile de mensonges. Et il y a aussi Fouazi, le fils du couscoussier d'à-côté, marqué par la mort prématurée de sa mère, qui se laisse entraîner sur une pente glissante à coup d'intégrisme, à coups de lavage de cerveau et de "drogue du Jihad". La rencontre sera explosive...
On avait perdu de vue – littérairement parlant du moins – le réalisateur de documentaires Pierre Rehov après l'intéressant Cellules blanches. Dix ans pour nous proposer un autre roman ! Et c'est à nouveau une réussite, notamment grâce à son traitement des personnages crédible et vivant, d'Emma l'effacée à un apprenti-jihadiste déboussolé exploité par quiconque sait jouer des faiblesses d'autrui (un aspect qui n'est pas vraiment mis en avant, ce n'est qu'un protagoniste du roman centré sur le personnage d'Emma). On se situe quelque part aux frontières du genre jusqu'à un finale qui plonge dans un suspense à couper au couteau après quelques rebondissements vraiment inattendus et parfois assez cruels. C'est bien sûr le jeu sur la superficialité en forme de miroir que tend le roman à travers cette forme haïssable qu'est la téléréalité – et, encore une fois, l'auteur ne cède pas à la facilité de forcer le trait jusqu'à la caricature. Le tout à l'aide d'une langue qui cherche plus l'efficacité que les perles de rhétorique, et y parvient à merveille, le récit étant un modèle de limpidité. La question sous-jacente reste posée : quoi de mieux, entre une dictature du paraître imposée selon des canons discutables ou une idéologie moyenâgeuse et mortifère fleurissant sur les meurtrissures de ses prétendus soldats ? Au fond, tout ce qu'on peut reprocher au roman, ce qui n'est nullement imputable à l'auteur, c'est sa couverture racoleuse qui n'a qu'un rapport lointain avec l'intrigue. Il serait dommage de passer à côté de cette réussite indéniable à cause d'une erreur d'aiguillage... Et il faut espérer qu'il ne faudra pas attendre dix ans pour lire et découvrir un autre roman de Pierre Rehov...
Citation
Emma a toujours vu une forme de poésie dans les mathématiques et la physique. Lorsqu'elle regarde un coucher de soleil, ce qui la fait vibrer, c'est de savoir qu'à chaque seconde, six cent vingt millions de tonnes d'hydrogène, dont les atomes sont constitués d'un seul proton, se transforment en six cent quinze millions de tonnes d'hélium, dont les atomes en contiennent deux, et que ce processus permet à l'astre de briller et de réchauffer la Terre. Les paysages de carte postale, par contre, ne lui procurent aucune émotion.