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Raqqa Confidential
7 juin 2013, Raqqa. En dépit du chaos qui s'empare peu à peu de la ville, les services publics fonctionnent encore, et le commissaire Merwan Millet est fier d'en faire partie. Lorsqu'un bombardement éventre l'hôtel Crown Plaza, occupé par des djihadistes étrangers, on y trouve également le cadavre d'une très jeune femme assassinée. Millet découvre qui s'agissait de Kenza Haddad, une prostituée de seize ans du genre luxe, pas de celles qu'on envoie en occident pour financer les vertueux parangons de l'islamisme. Or, lorsqu'il rend visite à la famille Haddad, Millet tombe sur un massacre et paie (un peu) de sa personne, puisqu'il finit à l'hôpital. Mais le policier tenace va s'acharner à découvrir la vérité. Ce qui n'est pas facile car les islamistes prennent le pouvoir à Raqqa, et il est obligé de composer avec eux pour, comme il le dit, faire un sale boulot, mais le faire proprement, en évitant que la barbarie religieuse fasse trop de dégâts. Mais étant lui-même d'origine kurde, il est forcément suspect. Sa parenté irréprochable suffira-t-elle à la protéger ?
Pour un premier roman, on ne pourra pas reprocher à Yannick Laude, l'auteur, de manquer d'ambitions. Avec un point de départ évoquant l'intéressant film égyptien Le Caire Confidential (et, il est vrai, quelques dizaines de polars), Yannick Laude suit l'un des tropes classiques du polar : se servir du genre pour décrire le monde. Et c'est une véritable fresque qui se déroule au cours de ces cinq cent cinquante pages où se mêlent toutes sorte de factions... et la famille même de notre enquêteur dont chacun décidera de s'il est un héros, un anti-héros ou quelque chose entre les deux (un humain, quoi...) même si, comme souvent, la résolution est d'une simplicité biblique – ce qui, peut-on arguer, renforce le réalisme. De plus, l'auteur ne cède pas aux affèteries à la mode : pas de chapitres arbitrairement courts pour donner un faux rythme, au contraire le roman a quelque chose de langoureux qui en fait une lecture idéale pour un soir d'hiver. Pas non plus de simplification débilitante. La langue est riche, précise, sans avoir peur des "grands mots" risquant de choquer le petit lecteur. Il s'agit néanmoins d'une lecture bien moderne qui, vu le sujet, réussit la gageure d'éviter tout manichéisme. Certes, il faut s'accrocher pour se rappeler qui est qui, vu le nombre de personnages, et les enjeux précis, mais si cette lecture se mérite, le résultat vaut largement l'effort. En tout cas, Yannick Laude fait, comme on dit, une entrée fracassante dans le monde du polar !
Citation
Dégager le cadavre en entier s'avère délicat car, s'il n'est pas enseveli, une poutre a littéralement écrasé le haut du crâne, ensanglantant le niqab noir qui recouvrait la tête, en partie réduite en bouillie et menaçant de se détacher du tronc. Le tissu, déchiré à l'échancrure du col, retient toutefois mon attention. En m'approchant, je constate au toucher qu'il est lui aussi taché et gluant de sang. Je soulève alors le voile pour découvrir les restes du visage d'une jeune fille, la gorge tranchée. Un meurtre.