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Grand format
Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Anatole Pons
Paris : Gallmeister, août 2019
336 p. ; 21 x 14 cm
ISBN 978-2-35178-208-8
Coll. "Americana"
Vie à l'enfer
Les éditions Gallmeister continuent d'arpenter les sentiers de l'adolescence perturbée. Beaucoup de leurs derniers romans à succès mettent en effet en avant un protagoniste adolescent confronté à des éléments violents qui s'immiscent dans l'embryon familial. C'est le cas dans Les Mangeurs d'argile, de Peter Farris. Jesse Pelham, jeune enfant de quatorze ans, perd son père dans un accident qui a tout de criminel après une chute mortelle du haut d'un abri de chasse qu'il construisait pour lui en guise de surprise d'anniversaire. Pour Jesse, c'est le tournant d'une vie déjà fortement ébranlée et qui va virer progressivement à l'enfer. On retrouve dans cette intrigue l'un des éléments-clé du thriller : la belle-mère. À mesure que l'intrigue déroule le passé familial (le suicide de la mère, l'arrivée d'un prêcheur et de sa sœur, la séduction mise en place par la sœur du pasteur qui devient par conséquent belle-mère, la disparition d'un oncle, la naissance d'une demi-sœur...), on commence à comprendre le machiavélisme généré par un couple incestueux, sorte de pendant satanique du couple adolescent des Confidences africaines de Roger Martin du Gard. Surtout, reprenant un autre thème cher à la littérature noire, Peter Farris propose le portrait d'un pasteur démoniaque qui aurait beaucoup à dire en confession, puisque criminel multirécidiviste, accompagné pour cela d'un shérif qui lui pourrait sortir d'un roman de Jim Thompson. Dans ces conditions, on comprend que l'apparition de Billy, vétéran de guerre en fuite après un attentat mortel, pourchassé par le FBI, sera porteuse de rédemption. L'ordre moral et l'ordre légal n'étant pas exempts de tous reproches, c'est bien le criminel naturel qui va remettre de l'ordre. Ce roman brasse également d'autres thèmes récurrents aux éditions Gallmeister. Le père de Jesse était un homme de la Nature. Ses terres, porteuses d'une argile qui attisait toutes les convoitises, il n'entendait surtout pas les vendre. Son rêve : créer une espèce de réserve naturelle, et vivre en accord avec la nature. Ce mode de vie, très américain (accompagné d'un respect pour les armes, leur maniement et la création de cartouches), prônant un retour aux sources, ne pouvait plaire à une belle-mère qui œuvrait en sous-main pour son frère toujours en recherche de fonds pour la création d'une église. Mais le talent de Peter Farris ne se limite pas à conter cette histoire somme toute presque banale. Il intègre les éléments traumatiques de la société américaine. Il les décortique et nous les présente tels quels, éviscérés et bruts. En cela, le personnage le plus intéressant est celui de Billy, homme meurtri qui vit en marge de la société avec ses propres cauchemars (ceux qu'il a façonné lui-même, mais également ceux qu'on lui a imposé). Et puis il y a cette camaraderie naissante entre Jesse et Billy qui va raviver l'âme d'un soldat. Cette inconscience instinctive de Jesse qui le pousse à "adopter" Billy, et qui accouche d'une entraide mutuelle et salvatrice. C'est peut-être ça au fond que ces Mangeurs d'argile : un roman sur l'amitié étonnant, fort, naturaliste et... réconfortant !
Citation
Quelqu'un qui fait semblant d'être généreux et sincère alors qu'il ne l'est pas du tout. Le monde en est rempli. Faut croire que ça leur réussit.