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Grand format
Inédit
Tout public
Traduit de l'italien par Florence Rigollet
Paris : Agullo, mai 2020
298 p. ; 20 x 14 cm
Coll. "Agullo Noir"
Brouillards parmesans
Valerio Varesi et son enquêteur parmesan Soneri en sont déjà à leur cinquième aventure en France aux éditions Agullo. Soneri est un être hybride qui conserve la naïveté d'un enfant qu'il allie au pessimisme que lui confère sa cinquantaine. Il a un côté Jules Maigret, comme bon nombre d'inspecteurs de la Police judiciaire en milieu urbain fictionnel. Cela le rend tour à tour sympathique et énervant. Dans Or, encens et poussière, il nous fait découvrir la communauté rom et roumaine en Italie. Surtout, il va naviguer à vue en plein brouillard. Et pour des raisons multiples. Tout commence de nuit avec un accident monstre sur une autoroute. L'univers fantasmatique est de circonstance. Un camp de romanichels, des taureaux dans la nature, du brouillard opaque à ne pas tenter de couper avec un couteau, et un corps carbonisé. Plus tard, c'est dans un car en provenance de Roumanie que l'on découvrira un grand-père mort. Il n'aura pour tous bagages qu'un sac piteux, un portefeuille avec vingt euros et deux Photomatons représentant deux sœurs magnifiques. Soneri ne croit pas aux coïncidences, et de deux pistes a priori pas amenées à se recouper, il va n'en faire qu'une, tachant d'y trouver des points de concordance. Dans le même temps, sa vie sentimentale prend une drôle de tournure avec Angela, avocate de profession, qui semble attirée par un autre homme qui traine dans son univers professionnel. Pour Soneri, le brouillard n'est pas que dans la ville, il est aussi dans le cœur. Et ce n'est pas son ami de la police scientifique qui va alléger ses tourments. Il erre dans la ville, triture son téléphone portable, est imbuvable, mais fréquente de nombreux restaurants et bars où il retrouve un ami d'enfance et un étonnant marquis, qu'il ne cessera de croiser. Mais quand on est flic, on ne peut s'arrêter de cogiter aux enquêtes que l'on a. Alors Soneri enquête avec Juvara, un inspecteur beaucoup plus jeune que lui, qui connait bien l'informatique, qui révère son chef, et qui souvent fait contre mauvaise fortune bon cœur. Valerio Varesi dépeint alors un conflit de générations qui couve entre deux flics qui n'utilisent pas les mêmes outils. Entre un Soneri revêche, bougon et volontairement archaïque, et un Juvara, corvéable et malléable à souhait, qui a beaucoup d'affection pour son supérieur au point de ne pas court-circuiter ses enquêtes. Certaines des ramifications des enquêtes sont assez simples à mettre à jour pour le lecteur averti qui sait assembler les pièces d'un puzzle bigarré. Surtout à partir du moment où il apprend que le corps carbonisé est celui d'une jeune femme enceinte d'origine rom, qu'il y a une entreprise qui tourne autour de l'orfèvrerie et qu'il y a des trafics en tous genres. Alors Valerio Varesi s'étend en long, en large et en travers sur les tourments sentimentaux de son enquêteur. Un peu trop, et du coup il néglige son intrigue et l'enquête en cours dont les ressorts apparaissent parfois en deçà de ceux qu'ils devraient être. Peut-être est-ce le lot des séries actuelles, qui se retrouvent dépendantes de l'élément domestique qui se complexifie de volume en volume. C'est bien dommage car la ville de Parme que nous dépeint Valerio Varesi, les personnages qui hantent la questure, et son enquêteur de Soneri sont attachants, et il y a un vrai style dans le cousinage de celui de Raymond Chandler avec cette écriture métaphorique et imagée alliée à un cynisme à l'italienne. Gageons que Valerio Varesi saura recentrer ses énigmes et revenir à ses premières amours.
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