Johnny Porter et le secret du mammouth congelé

Durán se retourna vers le coffre et contempla à nouveau son contenu. De l'argent. Des dollars. En liasses. Beaucoup. Il allait avoir besoin de deux grands sacs pour emporter tout ça. Dans les films d'action, on en voyait davantage encore mais, à son humble niveau, ça lui semblait déjà obscène.
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Roman - Espionnage

Johnny Porter et le secret du mammouth congelé

Politique - Huis-clos - Scientifique MAJ lundi 13 avril 2020

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 18 €

Lionel Davidson
Kolymsky Heights - 1994
Préface de Philip Pullman
Traduit de l'anglais par Valérie Bourgeois
Paris : Belfond, janvier 2017
678 p. ; 21 x 14 cm
ISBN 978-2-7144-7318-9
Coll. "Vintage", 24

Traques en Sibérie

Les éditions Belfond ont sorti en 2017 dans leur collection "Vintage noir" leur premier inédit après des rééditions dont celles heureuses de romans d'Erskine Caldwell – même si dans une traduction désuète. Voici donc un roman d'espionnage mâtiné d'aventure, de romance et de science-fiction de Lionel Davidson. Véritable roadtrip dans l'Asie du Sud-Est, l'action contemporaine nous plonge dans une suite d'aventures plus ou moins échevelées jusqu'à l'arrivée du protagoniste principal aux abords d'une base soviétique de Sibérie dont nul ne peut entrer et encore moins sortir, qu'il doit pourtant investir pour découvrir quelles sont les recherches qui y sont menées par un scientifique de ses connaissances qui avait disparu des années auparavant.
L'intrigue débute comme un bon roman de Graham Greene (Le Facteur humain). Dans un bureau, une secrétaire ouvre le courrier du professeur Lazenby, pour constater a posteriori qu'une enveloppe en provenance de Suède était vide. Un message codé sur des feuilles de cigarette s'y trouvait pourtant et a glissé dans une corbeille. Et ce message va amener des individus de la CIA à contacter un Amérindien canadien, polyglotte, afin qu'il endosse la tenue d'agent secret contre ses convictions politiques. Le principal intérêt de ce roman est de se baser sur les nombreux peuples qui ont colonisé la planète et qui ont des gènes communs. D'où le choix du héros, Johnny Porter, membre de la petite tribu amérindienne des Gitksan. Ce scientifique promis à une belle carrière internationale a privilégié l'ethnologie. Il va devenir un véritable caméléon capable de se transformer en homme d'affaires japonais, puis en marin fruste coréen avant de devenir un chauffeur routier tchouk capable de berner le peuple de la Tchoukotka et un manutentionnaire Evenk.
L'itinéraire jusqu'à la base est tout tracé, et le roman de Lionel Davidson va lui aussi être du genre caméléon en passant d'un genre à l'autre. Passée l'introduction très classique, nous avons une première partie ethnologique qui se déroule au Canada, puis le livre va nous embarquer sur un cargo et nous faire longer la côte Est de l'Asie jusqu'à aller déposer son héros quelque part en Russie suivant un plan autant méticuleux qu'ingénieux. L'aventure est là dans des conditions climatiques dantesques. Le docteur Komarova aussi. Le point de non-retour est alors atteint pour Porter. Et il va lui falloir faire preuve de patience pour arriver à pénétrer l'enceinte de la base scientifique où se trouve son ancien ami, le professeur Rogatchev.
Alors pour le lecteur lambda, la question n'est pas de savoir si l'agent secret amateur va réussir à pénétrer dans une base imperméable, mais comment et quand. Après, l'interrogation se portera sur ce qui s'y trame depuis plusieurs générations (et qui est quelque peu explicité dans un prologue qui nous fait comprendre le titre improbable en français du roman). Seront abordés les sens cognitifs, la fibre optiques et les prothèses sensorielles. Avec en toile de fond le vain combat du scientifique qui cherche des applications sociétales alors que le pouvoir privilégie un applicatif militaire. C'est joliment amené. Plausible puisque découlant de la folie de Staline.
Le style est quelque peu absent (ce qui ne veut pas dire qu'il n'y en a pas), et le roman malgré ses sept cents pages se lite très agréablement. Surtout, Lionel Davidson est un auteur qui aime installer des ambiances. Et avec les régions qu'il propose, il y a matière. La course-poursuite finale qui impose à Porter de croiser des Inuits et de traverser le détroit de Béring avec un général soviétique à ses trousses entre deux îles, une russe et une autre américaine, est digne de La Grande évasion. Et le dernier truchement ne trompera personne. Mais l'adrénaline était au rendez-vous.
Dépaysement total garanti !

Citation

Tu connais l'histoire du roi Saül ? Son père l'avait envoyé chercher des ânes égarés, et il a découvert un royaume. Zhelikov, lui, m'a envoyé chercher un mammouth, et j'ai découvert un monde perdu.

Rédacteur: Julien Védrenne lundi 13 avril 2020
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