Renseignement et espionnage dans la Rome antique

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Essai - Espionnage

Renseignement et espionnage dans la Rome antique

Historique - Guerre MAJ vendredi 18 décembre 2009

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Public connaisseur

Prix: 35 €

Rose Mary Sheldon
Intelligence Activities in Ancient Rome: Trust in the Gods, but Verify - 2005
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Alexandre Hasnaoui
Paris : Les Belles Lettres, décembre 2009
520 p. ; cartes, chronologie, bibliographie, index - illustrations en noir & blanc ; 22 x 15 cm
ISBN 978-2-251-38102-2
Coll. "Histoire", 101

Carthago delenda est !

Publication d'un PHD soutenu par le Colonel Rose Mary Sheldon à l'université du Michigan. Une thèse qui, à l'origine, portait sur la collecte de l'information dans la Rome antique, et qui remporta un National Intelligence Book en 1987. Dans la version éditoriale, l'ambition est reconfigurée, élargissant la problématique de la collecte à celle de l'espionnage. Le lecteur, du coup, s'interroge : d'abord parce que le récit qui s'offre à lui est bien souvent synchronique plutôt que diachronique, comme il aurait pu l'attendre d'une étude portant sur l'histoire de la mise en place du renseignement dans la Rome antique. Une synchronie qui trahit au fond un défaut de sources (dans toute la première partie, les interprétations sont avouées "plausibles"). Et qu'ensuite l'approche, centrée sur la notion d'espionnage, se voit bien souvent contrainte d'admettre qu'il n'existait rien de tel – de constitué du moins - et qu'il s'agit au fond de préposer une convention descriptive moderne (l'espionnage, le renseignement), qui certes ne rend pas compte du phénomène réel sous la Rome antique, mais permet d'en donner une idée et l'inscrire dans une histoire globale, celle du renseignement.
Cela dit, le scrupule est vite surmonté tant l'érudition de l'entreprise est plaisante – car c'est aussi une nouvelle manière d'écrire l'histoire de l'Empire romain, qui rompt heureusement avec l'historiographie ronronnante sur le sujet. Au fond, si l'on suit l'auteur, le besoin de renseignement s'est fait sentir dans cette Rome antique sous l'impulsion de deux évolutions et d'une contrainte constante : Rome devait fonctionner à l'intérieur d'un cadre politique qui accordait un statut particulier au Droit. D'où, on le comprend, les réticences du Sénat à instituer ce qui, par principe, s'énonçait en marge du Droit, sinon contre lui.
Dans un premier temps donc, ce besoin de renseignement s'est accompli sous l'évolution des techniques de guerre. Longtemps, la stratégie de l'armée romaine aura reposé sur la force et la cohérence, non la surprise et la rapidité – le renseignement importait ainsi moins que la disposition sur le champ de bataille. La Phalange, lourde à manœuvrer, imposait son style, toujours la même bataille au fond, reconduite comme une routine administrative, jusqu'aux guerres puniques qui virent l'irruption d'un nouveau profil d'ennemi (Carthage). Hannibal obligea les romains à revoir leur stratégie, la débâcle des Fourches Caudines (312 av. J. C.) induisant la fin de la phalange et ouvrant grand le besoin d'informations. Le renseignement, on l'aura deviné, naquit pour ainsi dire sur le terrain, d'un champ de bataille bouleversé par de nouvelles manières de faire la guerre. Il fallait désormais guetter, surveiller, prévoir. Naquirent alors les speculators et autres explorators, tout comme les techniques d'infiltration, d'intoxication et de subversion. L'expansion territoriale ahurissante de Rome nécessita ensuite de mettre en place une machine administrative capable d'organiser son emprise sur de vastes espaces. Collecter l'information et la faire circuler devenait crucial. Ces mécanismes de collecte sont parfaitement décrits dans l'ouvrage, ainsi que leurs acteurs : émissaires, commerçants, diplomates, alliés, etc. Mais ce fut surtout sous l'impulsion de la création d'un service de correspondances que cette collecte d'information prit un tour nouveau. Vigiles et delatores, s'affirmèrent comme les pièces du nouveau jeu, avant que ne soit créé le corps des frumentarii, les vrais ancêtres de nos espions modernes selon l'auteur. Il s'agissait de légionnaires chargés non seulement de la transmission du courrier entre Rome et ses provinces, mais aussi de collecter les impôts et de veiller à l'acheminement de l'approvisionnement. Prescriptions s'accompagnant évidemment d'une fonction de police renforcée, ouvrant la porte à de nouvelles missions confiées à ces frumentarii, comme l'assassinat politique et autres basses besognes de l'Empire. Le corps servi en particulier beaucoup dans les persécutions chrétiennes du premier au troisième siècle après Jésus Christ.
En fin de compte, le renseignement romain aura été moins un système que des pratiques qui se sont spécialisées au fil des années, sans jamais vraiment donner naissance à un service officiellement nommé, tant, en outre, ce genre d'office entrait en contradiction avec les représentations que les Romains se faisaient d'eux-mêmes, gens honnêtes, droits, vertueux, abandonnant aux non-Romains la fourberie et l'esprit retors relevant des mentalités de renseignement. Dans cet ordre de chose, l'auteur nous fait remarquablement observer qu'en définitive, pour nous Latins, c'est l'Orient d'Hannibal qui fit entrer dans notre monde la perfidie qui accompagne l'usage discrétionnaire du renseignement d'État.

Citation

Aucun élément du gouvernement, ni l'armée, ni la police secrète, ni même ses gardes du corps ne put jamais garantir la sécurité d'un dirigeant.

Rédacteur: Joël Jégouzo vendredi 18 décembre 2009
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