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En périphérie de la guerre
Quand nous voyons l'onde de désarroi, mais aussi de littérature que les Américains écrivent à propose de leurs "expériences" des guerres, que ce soit le Vietnam, la Corée ou les conflits plus récents, on ne peut qu'être un peu surpris par la façon dont les sauteurs français se sont moins emparés de ce sujet. Récemment la revue 813 en faisait une thématique qui montrait certes la qualité des textes parus mais finalement leur faible quantité. La plupart des lecteurs connaissent bien évidemment le travail de Didier Daeninckx, avec notamment Meurtre pour mémoire un roman qui fit date, mais qui est assez ancien maintenant (il est de 1984), et qui s'intéressait à un "événement" particulier. Or des "événements" de ce genre il y en eut plein d'autres, la plupart restant enfouis dans la mémoire de certains des protagonistes, et le temps aide à leur lente disparition. Aussi, il est tout d'abord intéressant que Pierre Hanot puise apporter ce souvenir en s'appuyant sur la vie provinciale métropolitaine.
Nous sommes à Metz (cité de l'auteur), en 1961. Un régiment de parachutistes a regagné la Métropole, mais l'inaction est pénible pour ses baroudeurs et il existe dans la ville une communauté algérienne assez importante, travaillant dans l'industrie locale. Comme les uns et les autres commencent aussi à se regarder en chiens de faïence pour les quelques jeunes filles qui se promènent et vont dans les dancings, cherchant à s'émanciper, le tout ressemble fort à une marmite où le couvercle est bien posé. L'intérêt du récit de l'auteur réside principalement dans la description de cette vie provinciale, dans une France des années 1960, encore très pesante. Le récit décrit les épisodes, non pas de manière lointaine, comme un procès, mais au plus proche des personnages, qui, représentent bien diverses facettes de ce que pouvait être la vie en cette période - une jeune femme qui veut découvrir la vie, un kabyle qui tombe amoureux, un petit commerçant algérien pris dans les étaux de l'armée française, des différents groupes révolutionnaires qui le rackettent, un journaliste qui aimerait faire un article dont son rédacteur ne veut pas, des parachutistes qui souhaitent casser du bougnoule ou d'autres traumatisés par ce qu'ils ont vécu en Algérie... Bref tout un petit monde, humain, trop humain, qui se débat entre son histoire personnelle et la grande Histoire, qui veut vivre, qui a des rêves et des projets.
En quelques pages, l'auteur rend avec sensibilité et sans manichéisme, l'ambiance d'une ville de province confrontée à des choix douloureux, à une tension qui s'accumule. Visiblement bien documenté à la fois sur Metz et sur l'époque, Pierre Hanot rend un roman entre histoire et noir, à taille d'homme.
Citation
Aucune mansuétude envers l'ennemi et leurs collabos, la haine appelle la haine, inch'Allah. Docilement, le barbu hoche la tête en signe d'approbation. Émettre la moindre des réserves n'est pas inscrit au programme. Ni souhaitable.