Contenu
Grand format
Inédit
Tout public
Traduit du portugais par Myriam Benarroch
Paris : Chandeigne, mai 2020
432 p. ; 21 x 14 cm
ISBN 978-2-36732-197-4
Dérives du pouvoir
Quand un auteur prend pour titre d'un roman Le Club de Macao, il ne le fait pas avec innocence. Il sait pertinemment que le lecteur va avoir des images cinématographiques de films noirs avec Robert Mitchum, de la faune exotique, de la drogue et de l'aventure. De fait, Pedro Garcia Rosado débute son intrigue de la plus classique des manières avec un style volontairement ancien digne des romans d'aventure ou à énigmes des années 1930-1940. Pourtant, l'histoire débute en janvier 1986. On est loin de l'époque coloniale, mais on va se confronter à un groupe de connaissances, pas d'amis, qui travaillent tous plus ou moins dans un rouage de l'administration judiciaire, et qui vont glisser plus ou moins consciemment de la légalité à l'illégalité, de la morale à l'immoralité par le biais d'un personnage, lui, plutôt amoral. Ces individus au nombre de cinq, réunis autour d'un juge, Carlos De Souza Ribeiro, vont monter un club discret à Macao, faire venir des prostituées chinoises par l'entremise de Sam Wah, un homme de la pègre qui aurait dû être emprisonné, assouvir leurs besoins d'hommes jusqu'à ce qu'un grain de sable vienne s'immiscer dans les rouages précités. Carlos Vasques, un des membres du club, policier de son état, est tombé amoureux d'une prostituée chinoise du nom de Li Huei. Ensemble ils ont eu un enfant. Mais il a enfreint les règles du club puisqu'il a en quelque sorte lié une relation exclusive (même si un autre membre du club loue les services de la jeune femme). Et puis la même Li Huei a été retrouvée morte, éviscérée, dans une mise en scène sensée incriminer Carlos Vasques. Alors celui-ci a fui non sans avoir remis l'enfant qu'il avait eu avec Li Huei à un orphelinat. Là-dessus, les années passent, et l'histoire de Pedro Garcia Rosado peut enfin exploser et changer de style. Les nouveaux événements se déroulent du 16 janvier au 24 août 2006, principalement à Lisbonne et dans sa périphérie. On va progressivement retrouver les cinq protagonistes du début qui ont tous plutôt bien réussi dans leur vie professionnelle à l'exception d'un. Le juge est en passe de se présenter aux élections présidentielles. Le passé ne doit absolument pas resurgir, mais comme le passé est têtu, c'est pourtant ce qui va arriver. Et avec lui, la vengeance planifiée de Carlos Vasquez, aujourd'hui dirigeant d'une entreprise trouble de sécurité, SecurExtra. Surtout, l'ouvrage va s'attarder sur une sordide histoire de pédo-criminalité qui tourne autour du collège de la Bienfaisance et de photos qui circulent. Outre qu'il va puiser dans l'actualité portugaise, le roman de Pedro Garcia Rosado s'articule autour du personnage central d'un juge qui aurait dû être fasciste. Implacable, froid, sûr de sa supériorité et de son état de surhomme, qui manigance, use et abuse de ses relations, et est un maître chanteur patenté. Ce personnage est tellement noir, une crapule en toge, qu'à côté de lui les autres et principalement Carlos Vasques font figure d'honnêtes gens, voire pour ce dernier de héros. Ce qu'il n'est au demeurant absolument pas. L'auteur ajoute tardivement un autre personnage de flic, José Moura, personnage plus incontournable dans son précédent roman, et qui ici fait office de chevalier blanc, et qui va faire partie de la mécanique d'un certain retour de la justice. L'histoire se lit d'une traite. Elle est efficace (et universelle malgré son côté lisboète sur les dérives du pouvoir et la masculinité machiste). Le style aussi. Le Club de Macao est un bon roman noir.
Citation
Ces trois morts avaient été nécessaires, elles étaient justifiées. L'assassinat de Miguel Calvão était aussi une nécessité, car c'était un acte de vengeance et un signal. Tout aussi justifiable, donc.