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Grand format
Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Jean Esch
Paris : HarperCollins France, novembre 2018
584 p. ; 21 x 14 cm
ISBN 979-10-339-0189-1
Coll. "HarperCollins Noir"
La cité sans voiles
Leader incontesté de la Manhattan North Task Force, Denny Malone est un as du NYPD. Avec sa brigade, chargée de mettre un terme au trafic de drogues et d'armes dans des quartiers gangrenés par le crime, il est aussi celui qui défend les prostituées contre leurs macs violents, celui qui protège les enfants de leurs parents alcooliques et maltraitants, celui qui distribue des dindes à Noël... Dans son quartier, Denny Malone est le roi. Mais c'est aussi un flic pourri, corrompu, qui prend sa part sur les saisies de drogue, protège certains dealers de la concurrence, truque les preuves, accepte des pots de vins de mafieux notoires, achète avocats et procureurs pour son propre compte. Et, un beau jour, pour une magouille de trop, le roi tombe de son trône et redevient un simple flic pourri pris dans la machinerie policière. S'ensuivra un long chemin de croix ponctué de cadavres et de vengeance.
Après nous avoir asséné un uppercut à l'estomac il y a quelques mois avec La Frontière, qui mettait un terme à sa trilogie sur le trafic de drogue international, Don Winslow nous fracasse le crâne à la matraque en zoomant sur un quartier de New York, gangrené par les mêmes drogues que celles contre lesquelles luttait Art Keller. Il nous entraîne, à la suite de Denny Malone, dans les tours d'immeubles aux mains des gangs de rue, dans les penthouses des parrains, dans les bars à flics, les ruelles, les salles d'interrogatoire, dans une Amérique à la dérive où violence policière et corruption endémique sont le quotidien des métropoles. Car, et c'est bien ce que nous démontre Don Winslow à travers ce brûlot extrêmement documenté, tout le monde est pourri, tout le monde se paye sur le système, à l'instar de Malone. Le conseiller municipal qui "arrange" un marché immobilier pour ses amis de la mafia qui en profiteront pour tricher sur le prix des matériaux, des contrats de travail ou de l'immobilier local, le chef de la police qui ferme les yeux sur quelques exactions pour acheter l'ordre civil et faire remonter ses statistiques, le procureur "incorruptible" qui est prêt à truquer des accusations pour faire avancer ses ambitions politiques valent-ils mieux qu'un flic corrompu ? Mieux que les dealers qu'ils prétendent poursuivre ? Corruption est un roman de colère, un témoignage d'une société en bout de course, et les événements qui se déroulent depuis quelques jours à travers les États-Unis montrent à quel point ces inquiétudes étaient prémonitoires.
À travers tous ses romans ou presque, Don Winslow s'est fait lanceur d'alerte, défenseur d'une certaine idée de la justice dans un monde en proie au chaos et à l'avidité. Que ce soit à l'échelle macroscopique (la trilogie Art Keller) ou comme ici à un échelon microscopique, il pointe le doigt sur ce qui déraille et pousse la société américaine à s'auto-dévorer. Et lorsqu'il le fait, ce n'est pas avec la condescendance du donneur de leçons, mais avec la fougue du romancier, ce qui n'en rend Corruption, par ailleurs véritable déclaration d'amour à New York, que plus indispensable !
Citation
C'est ça qu'il aime à New York : si vous voulez quelque chose, c'est juste là, à portée de main.
L'abondance sucrée et fétide de cette ville. Il ne l'avait jamais vraiment découverte avant de quitter le ghetto irlando-italien d'ouvriers, de flics et de pompiers de Staten Island. Dans une seule rue vous entendez cinq langues, vous sentez six cultures, vous écoutez sept genres musicaux, vous voyez une centaine de personnes, un millier d'histoires, et tout ça c'est New York.
New York est le monde.
Le monde de Malone en tout cas.
Jamais il ne le quittera.
Il n'a aucune raison de le faire.