Contenu
Grand format
Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Jean-Yves Cotté
Villefranche-de-Lauragais : Le 38, juillet 2020
212 p. ; 22 x 14 cm
ISBN 978-2-374-53786-3
Coll. "38. Rue du polar"
Balades nocturnes embrumées
Les lecteurs "malheureux" qui ne connaissent pas encore Jim Nisbet doivent savoir qu'ils risquent d'avoir entre les mains un auteur à part, un freelance qui n'en fait qu'à sa tête, un écrivain qui, à l'instar d'un James Sallis, Marc Behm, Barry Gifford ou plus proche de nous un Pierre Siniac, se sert du roman noir pour en présenter une version personnelle, intelligente et maîtrisée. Comme pour certains cinéastes, le plus évident à titre de comparaison pourrait être David Lynch, le travail de Jim Nisbet est de s'emparer d'un thème et de situations, et de les triturer à sa façon. Cela en fait un auteur inclassable, parfois si à part que les éditeurs ont du mal à le publier, le public n'étant pas aussi ouvert qu'il pourrait l'être. Mais souhaitons qu'en ces temps de morosités cette ouverture d'esprit soit de mise. Dans ce nouveau roman qui voit le jour de ce côté-ci de l'Atlantique, puisque nous parlions du côté indépendant de l'auteur, force est de constater que le personnage qu'il va décrire est aussi un être freelance. En effet, nous allons "entendre" dans ce roman la voix unique d'un narrateur qui cumule les fonctions d'alcoolique à la Vodka-Martini, comptant sans cesse ses finances pour se payer un verre supplémentaire, de SDF vivant sous les ponts (l'un pouvant expliquer l'autre, même si parfois son odeur l'empêche d'entrer dans un bar pour pouvoir consommer) et son travail comme tueur à gages qui lui permet justement d'assouvir son petit vice. Si dans les dernières pages, nous suivrons le personnage dans sa promenade urbaine à la suite de sa future victime et une fin digne d'un roman policier, l'essentiel du récit est un monologue intérieur du tueur à gages, qui se révèle obsessionnel. Un monologue doublé de discussions avec une "amie" imaginaire qui renforce l'identité de cet homme coincé entre le peu d'argent qu'il possède, le nombre de vodkas qu'il va pouvoir commander chaque soir (s'il a un contrat bientôt ou si ce dernier n'arrive que plus tard) et ses pérégrinations d'un comptoir à l'autre. Balade de noctambule alcoolisé, Le Vieux au cœur froid est un récit poétique, chargé d'émotions, qui risque certes de déstabiliser un lecteur de romans habituels, mais qui s'avère un ouvrage mystérieux et fin. C'est un réel plaisir pour un lecteur prêt à se laisse embarquer plus par un style et un auteur que par une histoire. Un voyage intense lorqu'on accepte d'être pris par la main dans Mullholand drive.
Citation
Si ces conneries continuent, je vais chauffer à blanc le nid ferromagnésien sous le pont et me mettre à fumer. Il faudrait que ce soit près d'un cybercafé pour que je puisse regarder des films pornos en streaming. Il y a être en manque et être en manque.