Contenu
Grand format
Inédit
Tout public
154 p. ; 20 x 13 cm
ISBN 978-2-35887-704-6
Le dernier chant de Cyrène
Entamer un roman de Dominique Forma c'est avoir l'assurance de découvrir une histoire simple et linéaire qui conserve un charme désuet dans l'esprit des ouvrages de Pierre Mac Orlan et Francis Carco. Manaus, du nom de cette ville brésilienne longée par l'Amazone, est un court roman d'aventure qui nous plonge au milieu des années 1960 en Amérique du Sud alors que le général de Gaulle y entame une visite politique. En marge de ses déplacements, le personnage principal, presque anonyme puisqu'on ne connaitra simplement son prénom qu'en toute fin de roman, est chargé de s'assurer que les anciens de l'OAS venus se réfugier en Argentine ne vont pas venir perturber le ballet diplomatique. C'est un agent du service Action du SDECE, un barbouze sans filet, qui fait les basses besognes pour lesquelles il est commandité. Au début du roman, on peut se rendre compte non pas de ses qualités morales, mais de la sûreté de ses gestes et de son dévouement à la patrie. Là où tout commence à déraper, c'est quand à la fin de sa mission, il est chargé de faire une halte à Manaus pour récupérer une liste de noms. C'est dans la cathédrale métropolitaine de Notre-Dame-de-la-Conception de Manaus, alors qu'il attend Helena, son contact au sein du service, que l'agent déroge à ses habitudes. Peut-être qu'à ce moment, il est aveuglé par des sentiments qui refont surface alors qu'il croise le regard de l'ex-capitaine de Cyrène qui a été son supérieur lors de la guerre d'Algérie, et qu'il a trahi au moment du putsch raté des généraux. Par sa faute, de Cyrène a abattu un gendarme, est toujours recherché par la France, et assurément avec une condamnation à mort au bout du compte. C'est donc un homme en fuite, qui cherche a revenir sur le sol natal avec l'appui de celle qui croit sa compagne, et qui est une agent secret, et celui qui l'a trahi (mais le sait-il vraiment ?) et qui détient son sésame. Il ne le sait pas encore, mais ses choix qui vont à l'encontre de son éthique vont l'amener à croiser d'anciens nazis quelque part sur le bord du fleuve amazone (dans un univers à la Hugo Pratt), à plonger au sens propre comme au sens figuré dans la merde, et à se confronter à son passé. Dominique Forma est un auteur dont le style se cache derrière une simplicité narrative de façade. Son intrigue est sans détours (ce qui ne veut pas dire que ses personnages n'en font pas). Ses phrases courtes alternent entre descriptions, banalité et percussion. Il a le sens de la formule, et est minimaliste jusque dans ses dialogues qui sonnent juste. On est dans une histoire dans l'Histoire, très visuelle, avec la confrontation morale et éthique entre deux personnages au profil bien trempé, qui sont les dernières figures de l'héroïsme romantique. Manaus est un roman noir et d'espionnage très agréable à lire qui a ce petit supplément d'âme que seuls les bons écrivains arrivent à lui donner.
Citation
Le capitaine de Cyrène a été trompé par l'Histoire, trahi par le subalterne que j'étais, manipulé par la femme qu'il pense être sa compagne. De Cyrène a tout faux. Il s'est toujours trompé tout en conservant une rectitude morale ; rien, ni personne, ne peut le critiquer, encore moins le moquer.