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Grand format
Inédit
Tout public
512 p. ; 21 x 14 cm
ISBN 978-2-265-15515-2
Coll. "Fleuve noir. Thriller"
L'amnésique adoucit les mœurs
2008. Dans le petit village de Sagas, Julie Moscato, dix-sept ans, disparaît un beau matin avec pour seul indice une Ford grise vue sur les lieux. Son père, le lieutenant de gendarmerie Gabriel Moscato, est sur les dents pour la retrouver. Jusqu'à ce qu'il se réveille un beau matin dans une chambre d'hôtel, et que le miroir lui renvoie le visage d'un inconnu ! Ou plutôt lui, mais vieilli... Car Gabriel a subi un phénomène rare d'amnésie psychogène atypique qui a effacé de sa mémoire les douze années précédentes... Ses anciens collègues ne le reconnaissent plus, voire lui témoignent de l'hostilité – même Paul, son meilleur ami. Il apprend qu'il a pris une chambre à l'hôtel sous le nom de Walter Guffin, mais aussi qu'il a divorcé de son épouse pour aller s'installer dans le Nord. Or un cadavre de femme vient d'être découvert non loin de là, une pièce d'échec dans l'estomac. Serait-ce Julie, ou cette Wanda Gerschwitz qui descendit à l'hôtel au moment de l'enlèvement — sous ce faux nom tiré du fameux film Un poisson nommé Wanda ? Un corbeau s'était amusé à envoyer des lettres à l'épouse de Gabriel, des sortes d'énigmes à base de pages arrachées à des romans policiers. Gabriel découvre aussi que Julie était loin d'être une oie blanche et avait fait chanter un hôtelier local — et avait un autre amant plus âgé dont nul ne connaissait l'identité. Mais même s'il arrive à dénouer l'écheveau jusqu'à la vérité, a-t-il encore une chance de retrouver Julie vivante après douze ans d'enquête infructueuse ?
Sans l'avoir lu, on serait tenté de prendre Franck Thilliez pour un usineur de thrillers industriels comme les autres, mais on se tromperait : l'auteur n'a jamais hésité à prendre des risques, quitte à s'aliéner des lecteurs, entre deux romans plus traditionnels (mais pas moins agréables) aux intrigues parfois impressionnantes de rigueur et d'inventivité comme l'excellent Rêver. Le point de départ est alléchant. Il flirte avec le fantastique, et pose l'éternelle question : qui suis-je vraiment ? On peut se demander, comme le protagoniste, si le Gabriel d'il y a douze ans est vraiment devenu un salaud, mais l'auteur laisse chacun tirer ses propres conclusions. C'est là qu'il dévoile son argument massue en faisant intervenir dans l'intrigue un certain Caleb Traskman. Les fidèles de l'auteur se souviennent du romancier du Manuscrit inachevé, mort suicidé en laissant ledit manuscrit terminé par son fils, lequel joue aussi un rôle dans cette intrigue. Un roman qu'à k-libre, on avait trouvé un brin décevant en considérant que l'histoire du manuscrit lui-même faisait un peu gadget, mais qu'il faut peut-être réévaluer : Franck Thilliez avait-il prévu dès le départ de lui faire jouer un rôle dans un roman ultérieur, expliquant quelques mystères dont l'incipit et les palindromes, où est-ce une façon de se rattraper ? Un pari qui, dans le milieu du roman populaire, relève quasiment de l'expérimental que seul Serge Brussolo a osé employer parfois, surtout au milieu d'une enquête classique en forme de Marabout-d'ficelle avec cette formule en entonnoir (lorsque l'affaire ne cesse de prendre de l'importance) que Franck Thilliez maîtrise impeccablement. Du coup, on ose à peine écrire que l'amnésie du personnage, classique du genre suspense, fait un peu gratuite sinon pour introduire la thématique déjà citée, au cas où l'auteur lui donnerait du relief dans un autre roman. En tout cas, c'est sûr qu'avec Franck Thilliez, on ne sait jamais à quoi s'attendre. On ne peut pas en dire autant de l'usineur de thrillers industriels moyen...
Citation
Gabriel comprit, à cet instant, que son passé serait un interminable fil de barbelés qu'on allait dérouler. On ne lui relaterait jamais les joies, les rires, le répit. Juste la souffrance et la mort.