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Grand format
Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais par Danièle Momont
Paris : Archipel, juin 2020
382 p. ; 23 x 14 cm
ISBN 978-2-8098-2824-5
Maison de poupées
Les deux sœurs Corinne et Ashley Hawes tentent de se remettre du décès de leur père, un architecte très coté, survenu un an plus tôt. Deux sœurs unies mais dissemblables : Ashley est mariée et mère de trois enfants tandis que Corinne, qui redoute d'être stérile alors qu'elle ne veut rien d'autre qu'un enfant, passe de tentatives infructueuses de fécondations in vitro à des traitements hormonaux jouant sur ses nerfs. Mais Ashley n'est pas sans soucis : elle sent que son mari James est de plus en plus distant, et elle redoute qu'il n'ait une liaison. C'est alors que Corinne commence à trouver autour d'elle des restes de son enfance, à commencer par des morceaux de son ancienne maison de poupée. S'agit-il simplement de son imagination enflammée par les traitements ? Qui pourrait la connaître assez intimement pour tout savoir de son enfance ? Quant à Ashley, qui se débat entre un mari absent — pour des raisons bien différentes qu'elle ne l'imagine —, un bébé qui ne cesse de hurler et une ado sur la pente fatale, elle se met à recevoir des coups de téléphone anonymes. Rien de vraiment menaçant, juste une respiration à l'autre bout du fil, quelqu'un qui écoute, surveille... Alors que Corinne tombe enfin enceinte, les événements vont se précipiter lors de l'anniversaire de la mort de Hawes père, d'autant plus que quelqu'un a profané sa tombe en traçant "Menteur" sur la pierre.
Pièces détachées est un avatar du thriller domestique où un élément étranger menace le bonheur d'une bonne petite famille CSP+ (le lectorat visé, on imagine). Le roman a été en France une des victimes collatérales du Covid 19, puisque sa sortie maintes fois repoussées est passée inaperçue. Ce qui est dommage. Certes, le point de départ ne brille pas par son originalité, et la grande révélation est facile à déduire (signe également d'honnêteté de la part de l'auteure, surtout maintenant où les Anglo-Saxons ont tendance à abuser des twists malhonnêtes car tirés d'un chapeau, quitte à tenter désespérément de se rattraper ensuite), mais ce qui compte, c'est l'habillage. Contrairement à ce que dit la citation, il n'y a rien de vraiment terrifiant là-dessous, pas de gros effets-choc ou de rebondissement toutes les deux pages, plutôt cette petite musique du quotidien engendrant un sentiment d'intimité tel que savait en créer le duo Nicci French avant de s'auto-caricaturer. On croit en ces personnages et leurs tribulations, même si celui de Corinne peut paraître trop dépendant de son entourage (mais ce n'est pas comme si ce genre de personnalité n'existait pas), et la narration chorale désormais de rigueur, avec cette troisième voix intrigante, permet de maintenir l'attention. Un roman qui prend son temps pour s'installer, et surtout se clôt sur une ultime phrase assez glaçante et logique dans ce contexte. Les amateurs du genre thriller domestique peuvent y aller les yeux fermés, à condition de ne pas s'attendre à un déferlement d'horreurs...
Citation
Un sourire se peint sur mes lèvres et, durant une minute ou deux, je disparais dans les tableaux que j'ai sous les yeux, plongeant au cœur de notre enfance. Nous nagions dans le bonheur. Peut-être trop. Peut-être avons-nous épuisé trop tôt nos réserves de chance.