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Grand format
Inédit
Tout public
334 p. ; 23 x 16 cm
ISBN 978-2-7436-4943-2
Coll. "Noir"
Quand Kafka rencontre Thompson
Au centre de cette nouvelle intrigue de la romancière Andrée A. Michaud, mais également au centre de l'univers, il y a le Massif bleu québecois. Plus exactement, deux versants opposés de cette montagne et deux saisons différentes, donc deux histoires qui vont se succéder et se répondre de loin. Nous sommes à la fin de l'hiver et la montagne croule sous la neige et les tempêtes violentes. Marie Saintonge est chargée d'aller visiter la maison de son oncle qui vient sans doute de se suicider. Elle s'installe dans la maison qu'il laisse, une maison que l'oncle reconstruisait pièce à pièce, elle aussi double, entre une partie habitable et chauffée et une autre en rénovation et ouverte aux vents violents, sans radiateur ni cheminée. Alors Marie se calfeutre dans la maison, au milieu de nulle part, mais un nulle part où passent sans cesse des hommes, affaiblis, perdus dans les tempêtes, assez fantomatiques, parlant par brides, où des statues de pierre semblent cerner la maison. Peut-être même tue-t-elle un de ses "fantômes" qu'elle garde congelé dans la neige, en attendant le printemps, puis le début de l'été où des orages violents éclatent, où les fantômes la cernent de plus en plus et où la police enquête sur de mystérieuses disparitions, avant de s'arrêter au milieu d'un orage et d'un incendie de forêt. Cela donne un ton fantastique, à l'atmosphère lourde de menaces, où tout restera irrésolu.
La deuxième partie du roman, même si elle semble plus réaliste, ne va pas dissiper les brumes de la première. Le personnage central est Rick Bois, un nègre littéraire (là aussi une référence fantastique car en anglais on parle de ghost writer) qui vient de découvrir son commanditaire, l'auteur Chris Julian, mort. Il s'enfuit dans la même montagne et trouve refuge dans un camping où il espère écrire le dernier livre du "mort" afin de s'assurer un peu d'argent. Mais entre l'orage qui gronde, les inondations qui transforment le camping en mare de boue, les enfants qui rient, la voisine aux charmes mis en avant et son mari jaloux, des disparitions et des cadavres, c'est tout un maëlstrom qui s'entend à venir perturber les vacanciers et l'écrivain. Là aussi, les désordres climatiques et les impressions vues à travers le regard d'un seul protagoniste laissent planer le doute, comme si la montagne ne laissait pas passer les informations, comme elle bloque les réseaux de téléphonie. Qu'il se trouve sur un versant ou l'autre du Massif bleu, le lecteur est ballotté dans une intrigue qui se dérobe sous ses yeux, qui alterne entre les faits réalistes et ses interprétations beaucoup plus fantasmées. La qualité stylistique d'Andrée A. Michaud crée le lien et une ambiance hypotonique qui empêche le lecteur de quitter sa lecture. Entre le froid intense que l'on ressent puis la moiteur des vacances en attente d'un orage libérateur, on navigue au milieu de spectres, de victimes de meurtres qui parcourent, tels des zombies, des espaces naturels à la recherche d'on ne sait quoi, dans une force peu commune, qui fait de Tempêtes un des romans les plus étranges et prenants de ces dernières années, comme une version très écrite de la série Twin Peaks ou des Revenants (mais sans les frustrations qui au final pouvaient accompagner ces deux séries). Brillant !
Citation
L'homme était là, debout derrière la maison, qui m'épiait depuis trois jours, ou peut-être n'était-ce qu'une ombre, un arbre figé dans la tempête auquel mon épuisement donnait forme humaine.